Les chants magnétiques est souvent présenté comme la troisième partie de la trilogie air (Oxygène) – mer (Équinoxe) – terre. Il arrive peut-être un moment où les machines prennent un peu le dessus sur la créativité, et c’est vrai que ce disque-ci manque de panache et d’innovations. Ce qu’on peut reprocher à Jean-Michel Jarre, c’est de délaisser les mélodies au profit de bruitages et de sonorités parfois antipathiques. Certains titres sont crispants, comme la partie III, qui donne l’impression de faire du surplace alors qu’ Équinoxe était dans un mouvement de flux et de reflux. La partie I (18 minutes) est beaucoup plus intéressante sur les live qui vont suivre que sur cet album. C’est en tous cas le titre le plus compact et varié de cet ensemble. Après une introduction psychédélique qui résulte d’une maîtrise extraordinaire des séquenceurs, Jarre pose sur des nappes toutes sortes de bruitages issus du Fairlight (premières utilisations de cet instrument qui permet de sampler des sons naturels et de les restituer sur un clavier), jusqu’au passage d’un avion qui amène à un morceau dans le morceau, qui dispute au côté aérien de son refrain l’aspect carré de ses couplets.
> Un côté mécanique
À partir de maintenant, la basse et, dans une moindre mesure, la batterie, vont commencer à occuper une place proéminente dans le cosmos jarrien. Après le succès du concert de la Place de la Concorde en 1979, les méga-concerts à venir vont en effet requérir encore plus de musiciens pour les performances live des futurs albums. La partie II m’évoque aujourd’hui plus une musique de machine à sous qu’une œuvre originale et élaborée. Il n’en reste pas moins que ce standard jarrien va prendre de multiples greffons au fil des années, et l’adjonction d’un solo sur scène va densifier l’original, qui peine à se renouveller au-delà de la deuxième minute. D’autres moments à l’intérieur des morceaux sauvent le reste, comme certains moments de la partie IV, mais l’un dans l’autre, ce disque n’est pas de la qualité de ses deux prédécesseurs. Seuls ceux qui s’accrocheront jusqu’au bout danserons sur une rumba à peine modernisée. À ne se procurer que si vous êtes un inconditionnel.Michel Geiss
raconte la dernière phase du disque, qui a été épique :
J’avais pu entendre le disque terminé au studio de gravure de Dyam Music et j’ai trouvé que le mixage du premier morceau de la face A n’était pas réussi du tout. Jean Michel s’en était rendu compte aussi. Il a demandé à Jean-Pierre Janiaud s’il pouvait refaire cela immédiatement mais Jean-Pierre avait déjà passé plusieurs nuits blanches de suite avec Jean-Michel. Il a baissé les bras et dit : « Non, je ne peux vraiment plus, je suis trop épuisé ! » Jean-Michel s’est alors tourné vers moi : « On dort deux heures et on s’y met. » Je suis donc allé dormir chez lui. Pendant ce temps, il avait fait réparer la console qui avait un problème d’automation ! On s’est mis devant les faders vers deux heures du matin, juste avant d’apporter le master au studio de gravure. C’est ce mixage qui est resté sur le disque.
> Titres de Les Chants Magnétiques
- Les Chants Magnétiques part 1 (17:49)
- Les Chants Magnétiques part 2 (3:59) (videoclip) L’instrumentation a été légérement étoffé par rapport à la version album. Une fois de plus, ce clip est extrêmement original et amusant. Il a été réalisé par Julian Temple, qui a ultérieurement réalisé le clip d’Enigma, The return to innocence.
- Les Chants Magnétiques part 3 (4:15)
- Les Chants Magnétiques part 4 (6:18)
- Les Chants Magnétiques part 5, la dernière rumba (3:30)
> Le saviez vous ?
- Le titre de l’album est l’homophone d’un livre de Philippe Soupault, et d’André Breton, « les champs magnétiques ». Raison pour laquelle mon professeur de lettres à la faculté, et nombre d’amis du livre vouent Jean Michel Jarre aux gémonies.
- L’album Les chants magnétiques est aussi le titre d’un album de bernard Parmegiani datant de 1974 et publié par le Groupe de recherches Musicales (GRM), qui fut professeur de Jean-Michel Jarre au GRM en 1969.
- Les chants magnétiques entrèrent aux Etats-Unis dans les charts Pop, Jazz et classique. (Source : John Tobler, 1997)
Le son le plus bizzare : Je ne saurai pas les départager. Jarre enregistre un son de train dont les roues crissent, et celui d’un avion-jet qui passe de gauche à droite de l’écouteur. En quelques instants, on a basculé du monde de la musique populaire à celui de la musique concrète. Jean Michel Jarre a toujours soutenu que dans sa musique, un son fabriqué en laboratoire était plus poétique qu’un enregistrement brut, fut-ce des chants d’oiseaux.
> Les musiciens : Jean Michel Jarre : tous instruments / Michel Geiss : développement de certains instruments. Instruments utilisés : ARP 2600 - Electro-Harmonix Echoflanger - Elka 707 – Eminent 310 U – EMS Synthi AKS – EMS VCS 3 – EMS Vocoder 1000 - Fairlight CMI-I - Korg KR 55 – Korg VC-10 – MDB Polysequencer – Moog Taurus Pedal Synthesizer – Oberheim OB-X
> À vous la parole !
> Lire aussi
- Élements biographiques pour cet album.
- Album suivant : Les Concerts en Chine (Live, 1982)
- Lire ailleurs : la fiche très complète de Les chants magnétiques sur Aerozone.
9 octobre 2007 à 17:45
Même si cet album n’est des meilleurs j’aime particulièrement la transition « fusée ou avion à réaction » qui nous mène vers la fin de la partie 1 sur une musique rythmé qui aurait sans doute mérité d’être joué en concert ou même d’apparaitre en bonus sur un « best of » avec une nouvelle réorchestration. Pour ceux qui connaisse le groupe Alan Parsons Project je trouve que la fin de la partie 1 des Chants Magnétiques ressemble au morceau « Hyper-Gamma-Space » de l’album « Pyramide »
..:: Webmaster ::.. Je rejoins ton enthousiasme, je trouve aussi dommage que la partie 1 ne soit pas découpée en deux parties. Pour ceux qui ne connaissent pas Alan Parsons Project, je recommande « I robot » qui ressemble beaucoup à l’album « Pyramid ». Ce groupe est injustement méconnu en france, et cela me donne des idées de futurs critiques, merci.
9 octobre 2007 à 17:49
Petite anecdote : le clip « les chants magnetiques » a été réalisé par Julian Temple le même qui réalisa quelques années plus tard le fameux clip à « l’envers » du groupe Enigma « Return to Innocent »
5 décembre 2007 à 23:31
jean michel jarre aurra mis 3ans de silence pour « preparer » cet album et s,habituer a son nouveau « jouet » le fameux synthétiseur « FAIRLIGHT ». J,ai adoré aussi cet album plus terre a terre et dont les titres « s,attirrent » comme des « champs magnétiques ».Avec ce disque ,jmj dira:je veux que vous fassiez ce voyage l,ors de cette écoute de mon disque. Petite anécdote: LES CHANTS MAGNETIQUES 4 ont servis de « jingle » pour une emission de ANNE MARIE PAISSON sur RTL au début des années 80 je crois meme que son émission s,apellait « vous avez la parole ». stephane
17 décembre 2008 à 23:41
Mëme si les mélodies sont moins accrocheuses que sur ses deux ENORMES prédécesseurs, cet album bénéficie encore une fois d’un univers sonore très homogène et hyper travaillé. La part.2 souffre de la comparaison avec ce qu’elle est devenue en live: une tuerie!
En revanche j’adore la partie 3,c’est le moment le plus réussi de l’album selon moi.Ce mélange de sons aquatiques et d’arpèges cristallins avec cette mélodie sinueuse, hésitante,me font toujours penser à du Debussy, ou aux peintres impressionistes…
18 juin 2009 à 17:55
Un disque très étrange, car à cheval entre le très bon et le très mauvais. Ce qui en fait du coup un album très intéressant.
Bon, le premier morceau fait probablement partie de ceux que j’écoute le plus souvent : les transitions entre chaque partie sont tellement parfaites que le morceau s’écoute tout seul, sans jamais voir le temps passer. Idem pour le n°4, très rythmé et très efficace dans sa gestion des synthés, de même que le n°2.
En revanche, les deux autres battent des records de ridicule : j’avoue être allergique au côté « conte de fée » du n°3, ainsi qu’à l’incompréhensible rumba du n°5 (très certainement le seul morceau que je n’arrive pas à attribuer à Jean-Michel Jarre !).
7/10
23 décembre 2016 à 21:49
Moi j’aime bien tout. Le son est très travaillé, c’est une rupture en effet par rapport aux deux premiers albums, mais c’est un monde sonore. J’aime aussi la rumba, elle est « rétro-futuriste », une rumba standard ne peut pas sonner comme cela, et en même temps faire cce genre de chose anachronique relève d’une démarche surréaliste, les Champs Magnétiques étant après tout aussi un livre du surréaliste André Breton. Le délire technologique, le Fairlight, les sons, et finir par une rumba crasseuse qui en fait trop, je trouve cette idée géniale, osée, avant-gardiste. C’est du second degré pur. Et il faut reconnaître que la composition mélodique n’est pas mal. J’ai toujours aimé ces fins nostalgiques que l’on a bien dans Oxygène 6 (et Oxy 13)aussi, et qui, malheureusement n’a pas été faite dans Oxygène 20. Mais je m’égare. Chants magnétiques : un très très bon disque…
14 juin 2017 à 18:30
La Rumba finale ! Mouais, hé bien je pense qu’il l’a mise là pour comparaison….
Un peu comme un pied-de-nez à tout le reste. C’est ce que je ressens en écoutant tout l’abum. Sans oublier une pointe d’humour…