Peut-on faire une critique d’Amarok, de Mike Oldfield ? Honnêtement, quand on regarde les faits, on peut légitimement baisser les bras. Une piste d’une heure et quelques poignées de secondes de musique, sans structure apparente. Une gamme d’instruments joués par Mike Oldfield aussi longue que le bras : de toutes les guitares possibles et imaginables à la cornemuse en allant jusqu’à l’improbable : la brosse à dents, le sceau d’eau frappé par un marteau, des pétards, des jouets et des cuillères. Je crois qu’il doit y en avoir une soixantaine au total. Une distribution qui relève de l’inventaire à la Jacques Prévert. Il y a quatre musiciens additionnels, ont tous participé à l’enregistrement d’Ommadawn, en 1975, notamment Paddy Maloney, qui a travaillé sur On horseback. Disque Inuit (enfin le titre seulement, qui signifie « le loup » dans cette langue du grand nord) euh… devrai-je dire inouï, Amarok a une place particulière dans la carrière de Mike. Version anarchiste d’Ommadawn, Amarok était projeté de s’appeler Ommadawn II, pour avoir un impact commercial maximum.
> Oldfield est un loup pour Branson
La présentation d’Amarok à son producteur a fait virer Mike Oldfield de Virgin, car le musicien anglais a fait l’impossible pour réaliser un disque anti-commercial, a fortiori contenant au passage des allusions injurieuses envers Richard Bronson (certes, f*** off R.B. est codé en morse, mais ce n’est pas une raison). Le disque contient une mise en garde médicale à l’attention des oreilles fragiles, dont on se demande s’il n’est pas un autre « pied de nez » à son ancien mentor. En retour, la promotion de l’album fut proche du zéro absolu du côté de la maison de disque. Anticonformistes et déjantées, les portions qui composent cette fresque musicale sont toutes ramenées à une durée inférieure à celle du single. Inexploitable en radio. En guise de bienvenue, une voix synthétique crache des « happy ? » assez glaçants. S’il y a bien un morceau – à compter de 44:50 – qui s’installe sur le rythme chaloupé de percussions africaines, sa mélodie limpide est bien vite interrompue par des grognements d’hommes de caverne et surtout par une guitare dans des fréquences extrêmes.
> Un disque envoûtant et inquiétant
Le début d’album est conçu pour effrayer l’auditeur même le plus téméraire. Il coexiste sur la piste unique une grande variété de styles, et plusieurs continents : on y rencontre des airs de balade irish aux accents hards, et beaucoup de guitare saturé parfois avec plusieurs guitares enregistrées dans plusieurs fréquences superposées sur des mêmes notes. Mike fait « claquer » la basse électrique ou acoustique comme personne. Il y a aussi une belle promenade en compagnie d’une guitare flamenco (avec des petites claques sur la bouche), et un intermède champêtre avec flûte et accordéon au-delà du mi-disque ! Les plages mélodiques se déploient sur un large spectre d’accords, avec une sorte d’unité général qui est parfois assurées, parfois par le piano, souvent par la 12 cordes. Quand aux synthétiseurs, c’est précisé sur la pochette, « il n’y en a pas autant que ça ». Les amateurs du ténébreux Mike noteront quelques réminiscences de l’album Incantations, autre disque tribal.
> Et aujourd’hui ?
Pour conclure ce voyage musical, une imitation de la premier ministre britannique Margaret Thatcher qui effectue une digression philosophique absurde avant de rentrer dans une sorte de transe (qui lalance dans une jig de danse irlandaise). Son délire se mélange définitivement avec un dialecte d’Afrique du sud et une flûte traversière, donnant une touche politique et parodique à l’ensemble.Vous l’aurez compris, Amarok n’est pas le disque le plus évident de Mike Oldfield, et pas seulement à cause des autocitations que je viens de mentionner, mais plutôt à cause de l’effort qu’exige ses contrastes violents. Mes parents avaient trouvé moyen d’acheter ce disque sans savoir du tout ce qu’il contenait, se fiant sans doute à la réputation de disques plus accessibles comme « Five Miles out ». J’ai mis beaucoup de temps avant de rentrer vraiment au diapason de cette musique aux contours changeants, dont il est difficile, au regard de ses disques ultérieurs, d’attribuer l’année. Le genre de disque dont on a toujours envie de partager l’histoire avec des amis ou ses enfants, pour le plaisir d’écouter quelque chose qui sorte complètement de l’ordinaire.
Au fait, vous l’avez la réponse : oui, on peut faire une critique d’Amarok. Et tout en réécoutant ce disque avec plaisir, en plus.> Lire aussi : Mike Oldfield et le synthtiseur.
12 décembre 2007 à 21:28
C’est THE disque de Mike Oldfield à posséder, peut être même bien plus que « Tubular Bells », surement plus que ses récentes productions (notamment les assez désastreux « Tres Luna » et « Light & Shade »). J’adore « Amarok », je l’emporterai sans hésiter sur une ile déserte.
8 octobre 2008 à 23:18
Quant à JM Jarre, pour moi le meilleur est « Jonques de pêcheurs au crépuscule », mélange de synthé et d’orchestre philarmonique de Pékin, paru dans « Les concerts en Chine ». Même remarque que pour Amarok. Je ne suis pas fixé sur un genre musical, mais ces deux auteurs, vraiment ils font partie de ceux qui m’ont « pris les tripes », c’est vraiment ce que j’appelle de la musique quoi : quand l’imagination s’embale à l’écoute du morceau … Superbe !
Merci à eux ! Et « longue vie et prospérité »
14 octobre 2009 à 0:15
Le meilleur du meilleur album que notre chère Mike nous a donné. Techniquement, musicalement, je le trouve extraordinaire. Même en 2009, je le réécoute sans broncher. C?est une pure merveille. Comme dit Knarf, je le mets au dessus de la pile de ces meilleurs ?uvres. J?ai ressenti, et encore aujourd?hui, toute une panel d’idée de ce qui en fait vraiment un compositeur et multi-instrumentaliste de génie.
Franchement, malgré la structure de l’album (1 piste 60.00 mn, pas de « thème précis ») il est vraiment bien construit et agréable a écouté. Amarok mériterai sa place en haut de la pile !
20 août 2017 à 20:15
Cet album Amarok est un véritable chef d’oeuvre. Le fait qu’il y ait eu une intention anti-commerciale n’y est d’ailleurs sans doûte pas étrangère : on a de la vraie musique artistique, avec des subtilités qu’on ne découvre parfois qu’au terme de plusieurs écoutes. Album génial. Bravo Mike.
24 novembre 2018 à 16:36
Depuis mes débuts sur internet, il y a bien longtemps, mon pseudo est Amarok67. Cela dit tout sur l’admiration que j’ai pour cet album. Amarok est 1990 et après il y a eu une longue période de manque de créativité, à mon gout. Je l’ai vu à de nombreux concerts fin 70 début années 80 et le dernier était TB2 au Zénith en 1993.