Voici la première partie de ma biographie de Jean Michel Jarre. Pourquoi refaire ce qui est déjà fait ailleurs ? Il me semblait, au stade de popularité auquel a accédé mon blog, (essentiellement en étant en tête des résultats des moteurs de recherche sur un grand nombre d’aspect de sa carrière) je ne pouvais plus faire l’impasse sur une biographie complète de l’artiste. J’ai tenté de la faire d’une manière aussi précise que possible, mais si des détails y sont inexacts, je prendrai le soin de les corriger et de l’augmenter. L’idée m’est aussi venue de l’atmosphère qui a présidé à la réalisation de certains jarretoons, sur le jeune Jean Michel – Encore plus beau qu’aujourd’hui, c’est vous dire ! -. J’aurai l’occasion d’illustrer cette biographie et des liens internes et externes, mes photos préférées, mes dessins (dès qu’ils seront finalisés) des différentes époques que nous allons traverser… maintenant.
On oublie parfois qu’avant d’avoir un succès foudroyant avec Oxygène à 28 ans, Jarre a derrière lui une somme de travaux et de collaborations remarquables. Je m’en vais maintenant reprendre l’histoire de Jean Michel depuis ses débuts au hochet, en veillant à ne pas trop oublier de détails qui font toute la saveur des biographies « non autorisées ».
> Accés direct : GRM / Oxygène IV
> Naissance d’un géant de la musique
Enfant unique, Jean Michel est né le 24 Août 1948 à Lyon d’une mère résistante et d’un père musicien. Son père Maurice Jarre divorce de sa mère Francette Pejot, lorsque »Jean Mimi » a quatre ans. Maurice Jarre sera directeur musical du Théâtre National de Paris de Jean Vilar de 1951 à 1963, puis va développer une carrière de compositeur de musique de films aux États-Unis sur la base de ses récompenses aux oscars (Lawrence d’Arabie en 1962, puis Docteur Jivago, en 1965) à Hollywood. Jean Michel sera fâché avec son père pendant de nombreuses années, mais leurs relations se sont normalisées au cours des trois-quatre dernières années.
Jarre commence le piano très jeune (à 5 ans), mais son premier professeur le dégoûte rapidement de la pratique de l’instrument. L’anecdote veut que les murs de sa chambre portent l’inscription : « Je hais le piano ». Pour fêter les dix ans de sa progéniture, sa mère l’emmène dans la boite de jazz « Le chat qui pêche », qui est tenue par une amie elle aussi ancienne résistante. Chet Baker, Don Cherry et Archie Shepp lui donne un récital privé qui l’impressionne au plus haut point. Sa vocation musicale naît là. Son modèle est son grand-père, inventeur, auquel on doit la première table de mixage pour la radio et du prototype de tourne-disques Teppaz. Il dit avoir passé beaucoup de temps à l’observer dans son atelier.
> Scolarité
Le lyonnais passe la plus grande partie de son enfance entre Lyon, le deux-pièces d’Issy-les-Moulineaux et Vanves, où il ira au lycée. Vers l’âge de 14 ans, Jarre aide sa mère à monter chaque matin son stand au marché des Puces de Saint-Ouen, où il croise tout un univers décalé de vendeurs de toute sorte. C’est d’ailleurs cette atmosphère de chapiteau sitôt monté sitôt démonté qui lui a en partie inspiré ses méga-concerts.
> Jarre fait ses gammes
En 1958, Jean Michel s’inscrit au Conservatoire de Paris, où il va étudier le contrepoint et l’harmonie sous la direction de Jeanine Rueff. L’adolescent écoute énormément de rock américain, notamment Elvis Presley ou encore Les Shadows (le premier groupe de rock européen). Parallèlement, il créera plusieurs groupes de rock, en tant que guitariste et chanteur, d’abord avec un groupe de petits, les « Mystères IV », qui gagnent le prix de la foire de Paris du Salon de l’enfance. Puis viennent les « Dustbins », qui sévissent de 1965 à 1968 avec des reprises des tubes des Shadows (souvenez-vous de ses célèbres Apache et Wonderful Land). Le groupe de jeunes gens produira lui-même un 45 tours en 1968, qui est une pièce quasiment introuvable, produit à quelques dizaines d’exemplaires seulement. Jarre fait sa première apparition au cinéma dans le film «Des garçons et des filles» d’Etienne Perrier, où il chante un morceau avec les «Dustbins». Après un bac de sciences expérimentales, Jean Michel se diversifie beaucoup et obtient une licence de littérature comparée. Mais il lorgne aussi du côté de la peinture abstraite.
> L’entrée au Groupe de Recherche Musicale (GRM)
La date la plus importante pour la formation du musicien que l’on connaît aujourd’hui est 1969, où il intègre le Groupe de Recherche Musicale (GRM), sous le patronage de Pierre Schaeffer. Ce dernier deviendra son maitre à penser. En interview, il parle souvent de cette époque en disant qu’il avait une attitude complètement vierge, naïve par rapport à la technologie disponible. Jean Michel manie donc les premiers synthétiseurs (essentiellement les Moog et le VCS 3), et se voit enseigner les techniques d’enregistrement. 1968 est l’année ou la planète entière découvre le son de ses instruments étranges sous les doigts de Walter (devenu entre-temps Wendy) Carlos, avec l’album Switched on Bach. Pendant deux ans, il aura des contacts avec les musiciens les plus pointus, parmi lesquels le français Bernard Parmegiani et l’allemand Karlheinz Stockhausen. Il réalisera à la fin de cette période d’intense expérimentation un morceau intitulé « Happiness is a sad song », ainsi que les compositions qui seront enregistrées clandestinement au GRM : La Cage et Erosmachine. La Cage, qui sera tiré à quelques centaines d’exemplaires, sera rééditée en 1978 sur le disque Made in France.
> Multi-casquettes
Quand Jarre quitte le GRM en 1971, avec l’envie de faire beaucoup de choses. Il va endosser plusieurs costumes, et la liste de ses collaborations est longue, il ne faut en retenir que les plus significatifs. Il sera instrumentiste, pour le groupe Triangle, avec des arrangements électroniques (des singles comme Le matin du premier jour).
> Jarre à l’Opéra de Paris
Compositeur de la musique d’un ballet électro-acoustique à l’Opéra de Paris (un projet qui est arrivé par un concours de circonstances favorables), ça le fait ! La musique »brute » de Jarre est le tremplin de l’inauguration du plafond décoré par Marc Chagall, ce qui est une première en ce lieu. Jean Michel est aussi le plus jeune compositeur à produire son œuvre à l’Opéra. La musique du ballet « AOR » (la lumière en hébreu) de Norbert Schmucki est constituée de sept parties, qui correspondent aux sept couleurs de l’arc-en-ciel. Deux autres ballets suivront ce premier essai (salué par certains critiques) : « Dorian Gray » et « Le labyrinthe ».
Dans cette période du début des années 70, Jean Michel va signer un certain nombre de musique pour des génériques de télévision, et aussi des publicités, telles Coca-Cola, Nestlé, et une mélodie qui fera plus tard le tour du monde : celle d’Oxygène IV que l’on reconnait dans une pub pour l’Autoroute A4. Mais le destin de Jean Michel ne s’est pas encore enclenché véritablement. En 1973, il fait sa propre version du tube Pop Corn de 1969, à la suite de celle mondialement connue d’Hot Butter en 1972. Les esprits chagrins associent ou tentent d’associer la mélodie de celle-ci à celle d’Oxygène IV, faisant passer Jarre pour un copieur redoutable.
Jarre devient aussi metteur en scène, par le biais de son ami illusionniste Dominique Webb, dont il assure la scénographie à l’Olympia en 1973. Un 45 tours rare sera d’ailleurs édité sous le nom Hypnose. Il enregistre également pour Samuel Hobo, un certain nombre de titres (Freedom day et Synthetic Man) et ce qui va devenir son premier tube : Zig-Zag Dance, sous le pseudonyme de Foggy Joe.
> Le producteur providentiel
En 1972, il fait la connaissance de Francis Dreyfus, qui deviendra le producteur qui le suivra pendant une trentaine d’années. Il signe quelques temps plus tard à la compagnie Motors, qui mutera en Francis Dreyfus Musique. Dreyfus est un passionné de jazz, qui a des références communes avec Jean Michel, notamment Ray Charles et John Coltrane. Il sent chez le jeune homme une détermination hors du commun, et va lui ouvrir de nombreuses portes.
Par son intermédiaire, Jarre devient parolier pour le chanteur Christophe, pour qui il prépare l’album Les Paradis perdus (Senorita, Les Mot bleus). Il travaille à cette occasion avec Domonique Perrier, qui deviendra un de ses musiciens les plus fidèles. Mais ses contributions artistiques dans la chanson ne se limitent pas qu’à cela. Il signe aussi la spectaculaire mise en scène de son Olympia de 1975, où le public découvre un piano flottant au dessus de la scène (truc qui sera repris par de nombreux artistes, dont Keith Emerson et plus récemment, l’illusionniste Dani Lari. Jarre a compris très tôt les impératifs d’une présentation spectaculaire de la musique, et ses concerts en sont le témoignage patent. Toujours côté textes, il travaille Patrick Juvet, qu’il a rencontré en 1975 (ils cosigneront l’album Paris by Night, d’où sont extraits Faut pas rêver et Où sont les femmes, en 1977), Gérard Lenorman ou encore Françoise Hardy (Que vas-tu faire ?).
> Jarre, le premier album oublié
Mais Jarre trace le sillon de sa propre carrière. Deserted Palace est son premier album complet, même s’il ne figure pas dans les discographies officielles de l’artiste. Il y travaille avec un matériel limité (le VCS3 qu’il utilisait déjà au GRM), plus un orgue Farfisa, et le résultat est prometteur mais pas très abouti stylistiquement. Cette même année, Jean Michel va marcher (dans la neige ?) dans les traces de son père en enregistrant sa propre bande originale de film, celle du film de Jean Chapot Les Granges Brûlées avec Alain Delon et Simone Signoret, avec ses synthétiseurs et ses bruitages fantaisistes, sur le modèle de compositeurs de films comme François de Roubaix.
En 1974, Jarre fait une rencontre qui va changer sa vie : celle de Michel Geiss. Mais c’est déjà une autre histoire. Lire la suite de la biographie (1976-1986)
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Références
- Aide pour l’écriture : L’excellente bio détaillée de Jean Michel Jarre, issue de Juke box magazine, 1990, par Thierry Rouault.
- Lire aussi : Les citations de Jarre
28 décembre 2007
Bio de Jarre