Quel concert gigantesque que Jarre a donné sur le site des chantiers navals de Gdansk en Pologne, devant un public enthousiaste de 170.000 personnes ! Le concert a été donné pour célébrer la naissance du syndicat ouvrier « Solidarnosc », en 1985 (soit 6 ans avant la fin officielle du communisme au Kremlin).
Avant le concert, une première partie permet au public polonais de se détendre en compagnie d’un chanteur et pianiste polonais.
> Entrée en scène
Jarre arrive sur scène entouré d’ouvriers des chantiers navals, à bord d’une plateforme mobile. Il marque le rythme de Révolution industrielle sur des pads avec des baguettes, avant de passer le relais à Francis Rimbert. Avec Claude Samard, ils seront trois clavièristes sur scène. Armé de son clavier portable, Jarre interprète cette première partie avec entrain. L’orchestre polonais accentue la dimension épique de l’ensemble. Il dit quelques mots en polonais, suivi d’un discours en anglais. Son discours, dédié au site du chantier naval, sera traduit tout le long du concert en polonais.
Vient ensuite Oxygène II, avec une intro sur mesure pour laquelle Jarre utilise la flûte MIDI. La rythmique d’Oxygène II a été rehaussée de charleston. Sur les écrans géants derrière la scène, la houle de l’océan font le lieu entre cette musique des grands espaces et l’élément constitutif du chantier naval.
Claude Samard entre alors en scène pour donner à l’orgue de barbarie un extrait d’une œuvre de Chopin. Visiblement les polonais apprécient beaucoup. Malheureusement un peu court.
> Oxygène IV et Aero
Suit le morceau très « dream » Aero. Pour ce morceau, les trois écrans géants affichent les yeux d’Anne Parillaud, ce qui produit un effet « Big Brother » assez saisissant. La section cordes de l’orchestre est sollicitée pendant tout ce temps.
Une grande cloche est alors installée pour marquer les premières mesures du standard du musicien français, qui est configurée en mode Aero. Pour Oxygène IV, les premiers feux d’artifices crépitent dans le ciel, créant l’émerveillement du public. Le public reconnait immédiatement les premières notes du morceau. Jarre sollicite son public du regard, puis lui lance un « merci » en polonais. Reprenant son micro, il rend hommage aux ouvriers d’il y a 25 ans et ceux d’aujourd’hui.
> La dimension nostalgique et historique
Commence alors la séquence nostalgie du concert, avec des fragments sonores de la période de la grève, et notamment des chants de grévistes et de Lech Walesa. Les violons et les cors placés derrière la scène se mettent alors à vibrer à l’unisson de la mélodie soyeuse de Souvenir de Chine, devenu le temps du concert un morceau nommé « Souvenir ». Au dessus de la grande scène, des chalumeaux forment un ballet continu. Le public se remplit de lumières de briquet. Dans le ciel, des feux d’artifices se plaquent sur la rythmique.
Geometry of Love, et son solo saturé nous rappele au bon souvenir de Pékin. Ensuite, un autre classique incontournable est joué : il s’agit d’Equinoxe 4. Jarre prononce le nom du concert : « Space of freedom », qui sera aussi le nom de la reprise de March 23th (entièrement joué à la flûte MIDI). Notez que Space of Freedom deviendra le nom du forum international de Jean-Michel Jarre.
Pour continuer dans la série des morceaux des années 2000, Aerology est joué dans sa version Aero, mais contrairement à Pékin, les cloches tubulaires ne sont présentes sur scène.
> Walesa et Theremin, deux destins
Jarre parle alors de la vie de Leon Theremin, et de son instrument éponyme, ce qui lui permet de faire un trait d’humour complice avec le public. Le français insiste bien sur l’expression «Soviet communism». Jarre improvise plusieurs minutes sur l’ancêtre du synthétiseur tandis que Francis plaque une suite d’accords planants. Cette séquence, intitulée Theremin Memories, est en réalité une forme d’introduction pour Chronologie 2, qui est malmené par un ajout de rythmique affreuse. Dans le public, les tambours vrombissent, le télescopage électronique/classique est maximal. Patrick Rondat prend la main sur celui-ci, avec verve. Jarre a son visage dur et concentré au début, mais dans le chorus, il se lâche complètement, au point d’oublier quelque peu ce qu’il est censé jouer, ses mains quittant le clavier-maître bien plus souvent qu’elles ne devraient. Un feu d’artifice de décibel et de lumière dans le ciel électrise un peu plus la foule.Lech Walesa et son action sont brièvement présentés par l’artiste lyonnais. Les deux hommes se font une accolade, il lit un court message, avant de faire le signe de la victoire envers le public. La musique peut alors reprendre. Jarre s’efface derrière les chœurs polonais, qui entonnent une chanson traditionnelle composée par Luis Llach. Sur les écrans, s’affichent des phrases polonaises, qui sont les mots d’ordre de la grève (conditions de travail, santé, etc.). Des hautes flammes (des vrais !) sortent de derrière la scène. Tout ceci enchante naturellement le public, les bras levés vers le ciel.
> Des habillages nouveaux autour des morceau des années 90
Chronologie VI et son habillage en boîte en musique résonne alors. Francis Rimbert « martyrise » son clavier et ses doigts avec des arpèges interminables. L’illustration du morceau par la projection des poupées en plastique ne colle pas du tout avec la musique, ce qui est dommage. Jean-Michel apparait, avec son sourire lunaire, l’accordéon en bandoulière, sous un tonnerre d’applaudissements.
Oxygène 8 débarque à la sauce technoïsante, grosse rythmique, et graves au diapason, avec cette fois ci le break suivi du refrain qui se trouve curieusement placé au début. Sur les écrans, une télévision retransmet des images de la grève. Jarre sollicite les applaudissements des spectateurs en sautillant comme un kangourou.
Dans le registre techno, Jarre monte encore un peu plus au créneau en présentant un nouveau morceau, Light my sky, qui est une version alourdi orchestralement du titre honni par les fans « Tout est bleu », mais qui garde sa mélodie d’origine. Il y a quelques ajouts de sons assez étranges. La formation classique a le petit rôle ici (on notera l’apport de quelques cuivres). Moi j’ai tendance à préférer quand il n’y a pas de paroles du tout. Le ciel s’embrase d’une jolie couleur rouge.
> Viva papa !
Jean-Michel évoque quelques souvenirs personnels, avec une certaine émotion, dans la foulée de sa rencontre avec Jean-Paul II, auquel il dédie deux chansons, avant de proposer au public de communier avec lui à la musique d’Acropolis. Il faut savoir que Jarre avait donné un concert pour la Pape quand ce dernier était venu à Lyon.Les images des différents discours du Pape sont diffusées pendant le morceau. Pendant le morceau, Jarre a les yeux humides (la HD ne ment pas). Dans le ciel, des bouquets de feux forment ce qui m’évoque une sorte d’auréoles de saint. On le savait déjà avec Vangelis, mais la symbiose entre musique traditionnelle et musique électronique est très puissante ici. Que dire d’Acropolis, et de ses notes tendues vers l’infini, sinon que c’est très beau ? Moi j’aurai bien aimé qu’il close son concert avec ce titre paroxystique.
> Rendez-vous II
Jarre enchaine sur Rendez-vous II, autre pièce qui met beaucoup à contribution l’orchestre symphonique, on entend des pizzicatos et de larges crashs de cymbales. Que voulez-vous, malgré son âge, ce titre est toujours aussi surprenant et magique. Et puis, Jarre s’avance vers la harpe laser, et là, le public en redemande. Sur le grand écran, un personnage à la « Orange mécanique » ondule son corps au rythme de la musique.
Patrick Rondat vient ajouter sa touche personnelle : il interprète la rage à la guitare, sa propre interprétation de l’été de Vivaldi, sur une rythmique de club. J’adore ce contraste, et Rondat est un guitariste non seulement technique mais aussi très doué pour se rattraper quand il trébuche (voir Europe en concert). Vivaldi, tube de l’été ?
Puis vient l’Emigrant, un morceau peu joué depuis sa création à la fin des années 80, pas mon morceau préféré d’ailleurs. Mais les chœurs rendent tout ceci très chaleureux. L’orchestre sera dès lors, jusqu’à la fin, spectateur de l’énergie intacte d’un Jean Michel proche du public comme jamais.
Oxygène 12 et sa mélodie obsédante sont alors proposé au public polonais. Sur les grands écrans, ce sont les images originelles de l’Oxygène Tour (1997 et 2008) que l’on retrouve, avec sa galerie d’animaux en noir et blanc. L’orchestration est toutefois un tout petit peu remaniée en mieux par rapport à l’interprétation pur sucre. Jarre est au bout d’un moment un peu perdu entre ses crashs de cymbales et le thème rapide du morceau.
> Rendez-vous IV, Oxygène XIII et le bonus
Pour les trois derniers morceaux, on a deux morceaux issus directement d’Aero : Rendez-vous IV, et son survol d’hélicoptère inaugural qui donne des frissons. Le public est conquis, et il réserve une ovation à Jean-Michel et à ses musiciens, scandant son nom. Ceci laisse le temps aux techniciens d’installer l’Eminent 310 U, derrière lequel Jarre, seul en scène, dit quelques mots du public polonais, avant d’introduire Oxygène 13, rebaptisé Solidarnosc. Jean-Michel adresse ses baisers à la foule venue de toute l’Erurope, avant de faire revenir ses musiciens pour le remix d’Aerology, ou Claude Samard tient la guitare.
Jarre salue le public pendant de longues minutes, arpentant la scène de long en large, avec quelques félicitations en polonais. Comme si la Pologne adoubait le maitre du synthé, à la faveur d’une ovation énorme.
Ce concert, où la communication avec le public aura été impeccable, contient de bons moments, et visuellement est très riche et très varié. Au plan du son, il est absolument parfait.
Notes :
- Un DVD incomplet mais au son DTS est disponible, l’un simple avec 21 morceaux, l’autre avec le DVD plus un CD live de 9 titres.
24 février 2008 à 19:40
je n’arrive pas à comprendre cette ferveur de Jarre pour le pape. Homophobe, antimaçonnique, anti-avortement, anti-contraception le pape n’a pas fait du bien à l’humanité. Jarre lui avait dédié le concert de Lyon puis lors d’une interview il avait dit qu’il ne le refera plus et pourtant il dédicace un morceau à ce « criminel ».
..::Webmaster::.. Deux morceaux ! Je te signale que Vangelis de son côté a fait un album en hommage au Pape mais ça passe beaucoup plus inaperçu, étonnamment.
24 février 2008 à 21:17
Le terme « criminel » m’apparaît plutôt fort concernant l’ancien pape mais il est clair que l’institution qu’il défendait n’était pas et n’est surtout pas plus progessiste avec son ambassadeur actuel Benoît numéro… 13-14-15-16 (me souvient plus du chiffre ?!)
Concernant la ferveur de Jarre à l’égard de « JP two », je crois qu’il voulait montrer au gens de Pologne qu’il reconnaissait l’influence positive qu’il a eu pour eux tout comme Lech Walesa en ce qui a trait au mouvement syndical Solidarinosc. C’est vrai que Jarre n’est pas obligé de se compromettre face à ses opinions religieuses, politiques, etc. mais je crois que cela contribue à lui apporter une certaine publicité (parlez-en en bien, parlez-en en mal mais parlez-en !)
À moins que je me trompe, JM ne semble pas très porté vers la polémique ce qui ne signifie pas qu’il peut la soulever (ex.: spectacle à la Place Tienanmen, changement du titre « Évolution » au lieu de « Révolution » pour ne pas déplaire à ses hôtes, pétition contre l’homophobie en Égypte, etc.)
Enfin bref, je crois que JM est une personne qui a une grande capacité d’adaptation face aux événements ce qui peut déplaire aux personnes plus radicales dans leurs positions.
..::Webmaster::.. Je ne pense pas que Jarre soit le plus neutre des artistes. Ceci dit, il a des opinions, mais il est capable d’en changer selon les circonstances. Y compris sur les maisons de disques, qui est le sujet du moment.
24 février 2008 à 23:07
Bon concert du père Jarre et belle communion avec son public bref rien a dire. Le seul bémol, c’est toujours l’absence de bassiste et surtout d’un batteur et c’est ce qui fait la difference avec les concert des années 80 et 90… Moi perso je m’y habitue toujours pas
David
24 février 2008 à 23:37
le concert en lui même est vraiment bon… Pour le reste suffit de lire ce que j’ai écrit tout à l’heure. Et pour revenir au commentaire du webmaster (que je rejoinds) laissé à Yanick, je me demande toujours pourquoi Jarre a fait un concert en Afrique du Sud à Sun City, il aurait pu attendre la fin de l’apartheid… Venant de quelqu’un qui a composé un morceau pour Dulcie September sur l’album révolutions on peut se poser des questions…