Nous sommes en 1977 et Jean Michel Jarre va aider son mai suisse Patrick Juvet à s’imposer dans les hit-parades avec l’album « Paris by night ». Galvanisé par le succès d’Oxygène, Jarre signe en effet la direction musicale de ce joyau disco, qui ne se résume pas qu’au seul carton « où sont les femmes ? ». Le représentant suisse à l’Eurovision a les traits d’un éternel adolescent.
Trois mois sont nécessaires pour enregistrer l’album, qui est mixé aux studios Gang, de Paris. Jarre et Juvet sont entourés d’une kyrielle d’une dizaine de musiciens américains talentueux, dont pas moins de trois batteurs (!).
Les deux premiers morceaux représentent une face entière de vinyle. Le disque s’ouvre par une fastueuse intro de cordes et de riffs de guitare en cocottes, qui accompagne ses accords de piano virils. Vous avez tout de suite reconnu la première minute d’« Où sont les femmes ? », n’est-ce pas ? Son glissando inaugural (très jarrien) donne la mesure de sa démesure pop.
Démesure, on peut en parler à plus d’un titre avec Patrick Juvet. Comment mesurer, en effet, la voix haute perchée de Patrick, qui enjambe les mesures comme un athlète des studios ? Revenons à « Où sont les femmes ? » Le succès du titre, encore trente ans plus tard, n’en finit pas d’étonner, de même que je m’interroge toujours aujourd’hui sur ses paroles situationnistes. « Courir dans le néant, vers des plaisirs provisoires », qu’est-ce que ça signifie, si ça signifie quelque chose ? Les subtils arrangements (notamment l’impeccable dosage entre la basse électrique et le piano) de cet hymne à la sueur des pistes des danses tiennent toujours l’oreille en alerte.
> Star disco
Puis vient Paris by night, le morceau-titre. C’est une sorte de marathon pour cœur palpitant à la Marc Cerrone. Le refrain est scandé par un charleston appuyé. Une nouvelle grosse intro, servie par un son bien épais de synthétiseur, qui contraste avec le chant fluet de l’éphèbe suisse sur les couplets. Il y est question de rendez-vous dans un Paris nocturne, de voyages express et de violentes caresses. Juvet susurre à nos oreilles : Paris – Paris by night, comme une sorte de sésame extatique. Tandis que Juvet s’étourdit d’alcool et – je le cite – de « violentes caresses », le syncope de la batterie nous fait glisser avec souplesse vers les ultimes trois dernières minutes, en forme d’instrumental débridé.
> En balades
Avec « Pas assez de toi », Juvet et Jarre reviennent à une forme plus classique de balade romantique. Dans un cas, « Pas assez de toi » Juvet s’entoure de cordes et de slide guitar, dans des habits de dandy rock aux envolées de soprano. Dans l’autre, et « Les bleus au cœur », Juvet s’accompagne à l’Eminent sur des enluminures de piano électrique. Les paroles sont désabusées, et collent parfaitement au clapotis régulier de sa rythmique.
« Jessica » présente un Juvet autre, suave et versatile, qui minaude sur un air de fanfare déglinguée, le tout emmené par la clarinette de Sonny Burke. Si les paroles sont plutôt consistantes, c’est le titre que j’aime le moins sur l’album.
« Le fantôme d’Hollywood », est un autoportrait curieux en forme d’hommage à Los Angeles, la ville des stars, où a été enregistrée la musique de l’album. Le thème de la chanson est celui d’un acteur qui s’est désincarné, et qui médite sur le statut de star de cinéma. La voix de celui qu’il « lovera l’America » est assez fantomatique sur cette compo de style « rock californien », cher à Michel Berger.Il faut attendre le dernier titre pour retrouver le second degré de Patrick Juvet, servi par une instrumentation efficace. Au départ de la chanson, on a l’impression d’assister à un reprise de l’instrumental d’Où sont les femmes mais très vite, Juvet reprend en chœur « Megalomania » à tue-tête. « Megalomania » met les saxophones à l’honneur, et la guitare rythmique assure les étincelles de démarrages vrombissants (Ray Parker et Lee Ritnour). On se retrouve au devant une chanson qui s’achève dans une orgie rhythm’n’blues de trois minutes.Au final, ce disque est très agréable à écouter, surtout pour la face A.
Juvet déclare au sujet de Jean Michel :
On s’est rencontrés au début des années 70. C’était un très grand parolier. De tous mes albums, ceux que je préfère sont les deux que nous avons fait ensemble. C’est grâce à lui que j’ai ai été identifié comme artiste, et non comme chanteur à minettes. On était fusionnels, toujours ensemble. Notre rupture a été une vraie séparation d’amitié. Quand notre relation s’est terminée, j’étais vraiment perdu, déçu. (cité dans QG, juilet 2009)
> Track-list
- Où Sont Les Femmes?
- Paris By Night
- Pas Assez De Toi
- Jessica
- Les Bleus Au Coeur
- Le Fantôme D’Holywood
- Megalomania
27 décembre 2008 à 12:51
Excellent album de Juvet. Il faudrait également parler de son prédécesseur, Mort ou Vif (1976),également issu de la collaboration étroite Jarre (paroles et production)/Juvet (musiques).Cet album n’a malheureusement pas été ré_édité en CD.