Robert (Bob) A. Moog, né en 1934, est l’une des personnalités les plus incontournables dans le développement des synthétiseurs. Concepteur et réparateur (car à l’époque des années analogiques les deux sont liées) de lutherie électronique, on lui doit quelques-uns des claviers électroniques les plus fameux dans les années 70 et 80, dont le Minimoog.
Sa passion pour la « fabrication » de la musique électronique est ancrée en lui. Ingénieur en électricité, aux côtés de son père, il répare des Theremin, instrument qu’il va d’ailleurs modifier ultérieurement, en lui greffant un transistor. Après ses études, il créé la société R.A. Moog en 1953 dans les environs de New York, où il fabrique des Theremins en pièces détachées.
> Le premier synthétiseur de salon
En 1964, il va créer à la demande de son ami compositeur Herbert Deutsch un synthétiseur modulaire «compact» avec trois commandes : le filtre, l’oscillateur et l’amplification. C’est une révolution à tous les niveaux car auparavant, les synthétiseurs ressemblaient à des armoires électriques d’1m20 sur 1m20, semblables au RCA Sound Synthesizer de 1956, des ingénieurs de la RCA Herbert Belar et Harry Olsen. Qui plus est, une armada de câbles reliait les différentes composantes du synthétiseur entre elles. Il était donc impossible de le transporter commodément, c’était un objet d’études universitaire ou d’avant-garde artistique. Le contrôle du son par potentiomètre est également une percée décisive pour permettre aux musiciens, selon sa propre expression, «à sculpter le son ». Auparavant, il fallait passer plusieurs heures pour obtenir un son précis. Il met en pratique le contrôle par voltage. Cela signifie qu’un volt correspond à une octave et que le voltage variable permet de modifier la hauteur du son désiré.
Une dizaine de modèles successifs de Moog modulaires perfectionneront ce premier essai, jusqu’au Modular Moog 55.
> Le disque qui a tout commencé
Maintenant que les instruments existent, il faut que les musiciens sachent y exercer leur sensibilité. « À l’origine », dit Robert Moog, « quand nous avons élaboré le synthétiseur, nous n’avions pas en tête de musique précise ». Il connait Wendy Carlos, qui étudiait sous la direction de Vladimir Ussachevsky au centre de musique électronique de Princeton-Columbia, depuis 1953 (qui s’appelait alors Walter Carlos), quand elle lui parle de créer son propre studio, en 1968. C’est dans son appartement New Yorkais qu’elle va enregistrer avec une énergie maniaque « Switched on Bach » sur un gros système modulaire Moog. Ce sera un succès commercial phénoménal et inattendu, prolongé par la bande originale du film Orange mécanique. En assistant aux enregistrements, Robert Moog va associer l’image de sa toute jeune compagnie au son le plus novateur de l’époque. Ce gros modulaire illustre d’ailleurs la pochette de cet album, qui est encore aujourd’hui la plus grosse vente historique d’un disque de « musique classique ». Après coup, nombreux seront les disques qui exploiteront son patronyme, pour adapter tous styles de musiques à la manière de « Switched on Bach ». On ne peut faire la liste exhaustive de toute cette production qui a eu un accueil enthousiaste du public : « Moog Hispania », « Country Moog », et plus tard, « Moog Cook Book », etc. Au rang de ses utilisateurs les plus orthodoxes, on compte le français Jean-Jacques Perrey, musicien ésotérique et loufoque, proclamé par une frange de la scène électronique le «père du sampling».
> Le Minimoog, une révolution
Au salon de la musique américain de 1970, on se presse autour de l’extraordinaire percée technologique de Robert Moog : le Minimoog. Elle se manifeste sous la forme d’un clavier de piano 44 touches, surmonté d’une console discrète où se logent les oscillateurs. Les musiciens émergeants de rock progressif en feront leur champion (Rick Wakeman, Keith Emerson), à cause de son format inédit, favorable à l’improvisation et de ce son « épais, chaud, et ondulant ». C’est Keith Emerson qui utilisera le premier le Minimoog « préparé » pour la scène, pour le solo final de la balade folk « Lucky Man ». Herbie Hancock et Chick Corea suivront le mouvement dans leurs prestations jazz-rock. En 1972, la société Moog des débuts commence à vendre en grandes quantités, compte plus de 40 salariés, et va pouvoir muer en Moog Music.
> Moog perd beaucoup d’argent
Progressivement, plus personne ne veut s’encombrer des gros modulaires, ce que la société anticipera en créant un nouveau synthétiseur par an jusqu’en 1980. Ils commercialisent également des pédales d’effets. En 1973, Moog est absorbé par Norlin-CMI (Futur promoteur du Fairlight). Puis leur premier synthétiseur polyphonique apparaît (le Polymooog), avec eux la possibilité de plaquer des accords riches. La concurrence avec ARP est grandissante, pour un marché très réduit. Ceci conduit Robert Moog à essuyer des pertes qui le force à quitter le conseil d’administration en 1977. C’est Dave Luce qui prend les rênes de la compagnie. L’année suivante, Bob Moog créé sa propre société, Big Briar, et retourne à ses premiers amours, le Theremin. Bob revêt à cette époque la double casquette de chef d’entreprise et de consultant en électronique. En 1979, le poids des synthés a baissé ce qui permet à la société de lancer le Moog Liberation, le premier clavier (trans)portable, qui fera le bonheur des claviéristes de pop (Space) ou de funk (Parliament). Les joueurs de synthétiseurs étaient assignés jusqu’alors à la position statique pendant les concerts. On emploie un peu trop rapidement à ce sujet l’expression clavier-guitare.
> Le début de la fin
Puis vient le clavier à mémoire de sons en 1982 avec le Memorymoog, autre révolution copernicienne, qui sera la dernière grosse sortie de la société Moog. Ce clavier, quoiqu’instable, est l’ancêtre vaillant de bon nombre de synthétiseurs programmables. L’analogique vit ses dernières heures. Au début des années quatre-vingt, Robert Moog commente le chamboulement de la synthèse numérique avec pragmatisme :
« Les synthétiseurs numériques n’ont pas la même chaleur ni la même épaisseur de son, mais offre de nombreuses fonctionnalités, pourquoi ne pas essayer ? ».
Malheureusement ou heureusement, Moog n’aura pas le temps d’opérer sa mue digitale. Dès lors, de nouveaux acteurs comme Korg, Roland, Oberheim ou Yamaha, vont saturer le marché du synthétiseur. Celui-ci passera du rang d’instrument de studio à celui de produit grand public, ou encore, de piano économique. En 1993, après dix ans de purgatoire et avoir été lâché par les banques, Moog, qui s’est diversifié en devenant « Moog Electronics » est mis en liquidation judiciaire. L’héritage de Moog Music est émietté à travers différentes petites sociétés.
> L’époque récente
Il faudra attendre 2002 pour que la société Big Briarde Bob Moog rachète le nom « Moog » à de multiples ayants-droits, et brevète une nouvelle version du Minimoog, le Minimoog Voyager, qui exprime l’idée d’aventure. S’il est davantage un passionné de jazz et de classique, il exprime sa foi dans la sensibilité d’une partie de la musique « techno », qui devra passer l’épreuve du temps. Le 21 août 2005, un cancer du cerveau terrasse Robert Moog. Il a 71 ans. S’il a incarné la musique électronique dans sa dimension technique la plus pointue, c’est sa curiosité viscérale qui était au cœur de ses inventions. Et grâce à cela, depuis longtemps déjà, Moog et synthétiseur sont devenus synonymes.
En 2005, sa fille Michelle ouvre une fondation en mémoire de son père, qui s’est fixé comme but d’aider à l’innovation dans le domaine de la musique électronique, et de faire connaître l’oeuvre de son père au travers d’un musée de la musique électronique.
En 2006, c’est un synthétiseur monophonique qui est lancé : le Little Phatty (que l’on peut apercevoir dans la vidéo d’Oxygène 3D sur le set de Claude Samard). Le hasard a fait que la première foisque j’ai vu Robert Moog en vidéo, il parlait… du Fairlight. Et je réalisai brusquement que l’homme qui se tenait là, modestement devant un parterre de professionnels hypnotisé, était, au bout du compte, au centre de quelques-unes de mes plus grandes émotions musicales. La vie de Moog Music, elle, continue, puisqu’ils ont présenté en cette année 2008 une guitare avec des effets intégrés baptisée « Moog Guitar ». Et dire que les premières guitares électriques avaient été justement conçues pour ne pas produire de distorsion ! En tous cas les premiers utilisateurs (dont Lou Reed) sont si enthousiasmés qu’il voulait acheter le prototype de suite.
- Voir aussi : Le site officiel de Moog Music
- Le site de la fondation Robert Moog
- Les différents modèles de Moog à travers le temps.
23 mai 2012 à 7:26
Bonjour,
Il y a une faute dans :
« Les synthétiseurs numériques n’ont pas la même chaleur ni la même épaisseur de son, mais offre de nombreuses fonctionnalités, pourquoi ne pas essayer ? ».
… mais offrENT de …
Alan
23 mai 2012 à 10:36
bon jour je suis à mes debut en musique je gratte un peu à la guitare au piano et la batterie.je voudrai bien recevoire les document pratique en musique pour m’ameliorer.merci