Radiohead plonge à pied joints dans les abstractions électroniques pour composer un album expérimental, Kid A, leur quatrième album studio, en 2000. L’album est supervisé par Nigel Godrich. Tous les titres sont cosignés par les cinq membres du groupe.
Influencés par les Chemical Brothers et Aphex Twin, le groupe va se libérer du carcan du rock alternatif (la presse anglaise lance la formule « le plus grand groupe de rock du monde) pour nous offrir dix titres de mélange entre rock et électronique. La batterie de Phil Seway est parfois éclipsée par des rythmes programmés sur ordinateur. Cet album est plein de contrastes, mais les synthétiseurs analogiques y marquent une entrée en force. Ceci est particulièrement net sur le titre électro « Idiotheque » et sa rythmique break-beat.
La voix suppliante de Tom Yorke se noie dans un déluge de filtres, d’échos et de delays. Les guitares auront la part congrue (hors « Optimistic » et, dans une mesure moindre, « How to disappear completely »). Optimistic, le premier single de l’album, est un avatar logique de l’album précédent, OK Computer, avec une guitare rythmique lourde et toms surchauffés.
> Un disque synthétique
Les titres les plus réussis et les plus originaux de Kid A sont à mon avis l’instrumental Treefingers et le morceau-titre. Kid A est une chanson psychédélique avec pour personnage central, un androïde. Treefingers est un morceau ambient qui ne dépareillerai pas dans un documentaire sur la vie sous la mer. On retiendra aussi l’étrange évolution « big band » de The National Anthem, qui commence comme une pièce de U2, et qui convoque un « mur » de cuivres pour un final trépidant.
Motion picture soundtrack et son gros son analogique clôt l’album d’une manière assez liturgique.
La pochette de Stanley Donwood figure une sorte de proto-univers d’où émergerai quelque volcan en éruption. Le guitariste Johnny Greenwood signe des paysages de cordes angoissantes. Il utilise les ondes Martenot (instrument des années vingt) sur plusieurs titres, et son vibrato sci-fi caractéristique.
> Mini promo mais maxi gros lot
La promotion de l’album se fera d’une manière volontairement minimaliste, s’accompagnant d’une tournée qui fera étape dans des lieux ouverts, sous leur chapiteau démontable, comme les Arènes d’Arles ou à Saint-Denis. Le quintette vit en effet très mal la trop grande sollicitude des médias envers leur soudaine notoriété. En 2000, Radiohead est lassé d’être régulièrement proclamé comme les nouveaux Pink Floyd. D’ailleurs Roger Waters, le vieux sage du groupe mythique, rejette en bloc cette filiation : « J’ai écouté OK Computer, ce n’est pas si extraordinaire que cela. ».
Et soudain, nombre de journalistes regrettent la nouvelle orientation du groupe, sans savoir que Radiohead prépare un album en forme d’appendice à Kid A, Amnesiac, qui sortira à la mi-2001, et qui sera plus rock.
Le groupe va tenter de contourner les questions trop musicales pour amplifier sa croisade altermondialiste dans les médias. Ceci n’empêchera l’album de conquérir les Etats-Unis, en glanant au passage un Grammy Award (l’équivalent des Victoires de la musique aux States). En proposant l’album sur Internet quelques semaines avant sa sortie, Radiohead va beaucoup faire parler au sujet de sa « stratégie » commerciale.
Un dernier mot pour évoquer le titre de l’album qui est sujet à plusieurs interprétations, l’une concernant l’idée du premier enfant cloné (nous sommes en plein dans la manipulation de la secte Rael autour de cette prétendue avancée) et l’autre, à propos du premier « enfant » du groupe. Je n’ai pas réussi à trancher entre ces deux possibilités.
> Track-listing
- Everything is the right place (4 :11)
- Kid A (4:44)
- The National Anthem (5:51)
- How to disappear completely (5:56)
- Treefingers (3:42)
- Optimistic (5:16)
- In Limbo (3:31)
- Idiotheque (5:09)
- Morning Bell (4:35)
- Motion Picture Soundtrack (7:01)
21 juillet 2008
CD et Vinyles, Disques 2000 et +