On peut légitimement s’émerveiller devant le nombre d’artistes talentueux qu’a donné ce minuscule pays qu’est l’Islande (300.000 habitants environ). Avec Björk et Emiliana Torrini, Sigur Rós est le troisième étage de la fusée électronique venue du froid. Entre glaciers et volcans, le caractère antagoniste de l’île rejaillit pleinement sur ces personnalités.
« Takk… », qui signifie « Merci » en islandais, est le quatrième album du quatuor de Reykjavik. De mercis, quoi de plus naturel, car le groupe donne énormément, que ce soit sur scène, ou sur cet album (Plus d’une heure de musique).
Par exemple, Sigur Rós a toujours fait en sorte que les boitiers de ces disques soient originaux. Celui de Takk… évoque un livre relié de petite taille. Le dépouillement volontaire de cet habillage va jusqu’à reléguer le titre des chansons et le nom à l’intérieur du coffret, mention qui exclue toutes les autres (y compris la maison de disques).
> Musique rêveuse
L’album commence, comme de tradition, par un court morceau d’introduction, avec une introduction éthérée qui invite déjà au voyage. La majorité de l’album est chanté en langue dite Volenska (ou Hopelandic pour les anglo-saxons), qui est un dérivé de l’islandais. Il partage ce goût de l’invention verbale avec bon nombre d’artistes new age, comme Enya. Le (ou la) Volenska sert en réalité de brouillon à l’élaboration ultérieure des paroles définitives, qui traite toutes de la difficulté des rapports humains. De l’aveu de son créateur, cette protolangue a été créée pour donner une dimension supra-intellectuelle à la musique. Jón Þór Birgisson, le vocaliste et guitariste du groupe, chante à la manière de Jon Anderson sous amphétamines. L’autre singularité de sa technique vient de son jeu de la guitare électrique avec un archet, en lieu et place du traditionnel médiator. Sa guitare nerveuse est présente dès les premiers titres, Glósóli et Með Blóðnasir. Le souffle épique de Sigur Rós souffle dans Hoppípolla, à grand renforts de cordes. La batterie n’est pas en reste. Jugez-en par le tremblement des cymbales dans des bouquets psychédéliques (notamment dans le cas de Með Blóðnasir).Sæglópur et le sublime Sé Lest partagent la même routine de xylophone, et se concluent par des envolées baroques. La fusion batterie-guitare-voix opère dans le titre Sæglópur, porté à ébullition par ses longues complaintes martelées sur les accords graves de piano. Le chant insaisissable de Birgisson s’évapore enfin dans des panaches secs de violons. Mílanó distille durant dix minutes les éclats noirs et blancs de son piano clair, clair comme de l’eu de roche. Il serpente sur l’ «accordage» de la section de cordes. Le thème de la chanson est repris en canon jusqu’à ce que la voix du chanteur ne devienne plus qu’une secousse vocale qui s’éloigne de son épicentre.
> Rock de l’espace
Sigur Rós actualise le concept de space rock en conservant son aspect minimaliste et en enrichissant ses timbres avec des instruments classiques. La plupart des titres de Takk sont enchainés les uns aux autres, formant le plus souvent des paires orchestrales. Gong marque un retour à une formule plus « rock » et moins « space », qui permet d’apprécier la tessiture extraordinaire de Birgisson. La batterie d’Orri Páll Dýrason y monte progressivement en intensité, par paliers successifs. Andvari laisse entrevoir la basse parcimonieuse de Georg Hólm, contrepoint subtil des archets virevotants du quatuor à cordes Amiina. Le final du morceau, une rengaine épuisante de plus de deux minutes, gâche un peu mon plaisir à ce stade du disque. Par miracle, le final, Heysátan, efface ses facilités en proposant une lente progression d’accords légèrement bluesy. Cet instrumental referme l’album sur les accents féériques du démarrage.Au total, ce sera une heure de musique scintillante et jusqu’au-boutiste. Et une nouvelle occasion de dire au groupe, dans l’allégresse d’une presse musicale conquise, « merci ».
> Track-listing
- Intro
- Glósóli
- Hoppípolla
- Með Blóðnasir
- Sé Lest
- Sæglópur
- Mílanó
- Gong
- Andvari
- Svo Hljótt
- Heysátan
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> Ressources sur le web
> Documentaire sur Takk… en anglais et en… islandais (première partie)
> Voir aussi : Le site officiel.
13 juin 2011 à 18:14
La musique de Sigur Ros est comme les paysages islandais … calme , planant puis féroce et sauvage. Un univers à découvrir AB-SO-LU-MENT !
26 septembre 2014 à 19:37
Un peu moins connues en raison de leur discographie relativement peu fournie, leur collègues de Amiina, que j’aime beaucoup et que je vous conseille.
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