Kraftwerk – Computer World (1981)

Pochette de Computer WorldComputer World est le fruit d’une réflexion approfondie (trois ans de gestation) sur les interactions croissantes de l’informatique sur la vie quotidienne. Alors que l’album précédent, The Man-machine, était une métaphore sur la mécanisation de leur musique, ce concept-album de 1981 fait une juxtaposition des avantages et inconvénients de l’ère de l’informatique, au-delà de la musique. La pochette de l’album fait figurer les profils stylisés des quatre musiciens dans la lucarne d’un (vieil) ordinateur, sur un fond jaune vif. Certes, si la pochette n’indique en rien la musique, les photos de la pochette intérieure sont plus parlantes avec des vues des mannequins de l’album précédents devant leurs consoles d’instruments.

Computer World est le disque le plus court de tous les albums des studios Kling Klang, moins de trente-cinq minutes, mais il est parmi les plus denses. En tous cas, c’est celui qui fera l’objet de nombreux samples, que ce soit à Chicago ou à Détroit.

Le morceau-titre, Computer World, égrène le nom d’officines de surveillance, telles Interpol, le FBI ou encore Scotland Yard. Il semblerait qu’après les robots d’Asimov et de Fritz Lang, Kraftwerk illustre à sa manière la société de l’espionnage numérique à la George Orwell.

Pocket Calculator est un titre plus léger, plus sautillant. C’est d’ailleurs ce titre qui sera utilisé comme single pour lancer la promotion de l’album. Il incorpore des bruitages de machines à calculer, qui sont commentés par Ralf, comme un enfant qui prend un jouet plus au sérieux qu’il ne devrait. En tous cas, on sent que la découverte de tout l’équipement miniature (stylophone, mini-clavier) qui a entouré la promotion de l’album a énormément diverti les membres du groupe, y compris les deux batteurs, qui jouent avec des pads rétrécis. Le couplet (à 0:30 et 1:10) et le chorus (de 2:50 jusqu’à la fin) de la chanson est une mélodie dodelinant sur deux notes, qui passe à juste titre pour une préfiguration de la « house music ».


 

> Numbers, Computer World 2 et Computer Love


Numbers instaure une récitation de chiffres de un à neuf dans plusieurs langues. Y figure : de l’allemand (1 à 8), de l’anglais (One, two), du japonais, du russe et même… du français (Cocorico) ! Enfin, il faut savoir que les allemands de Kraftwerk ont de réelles affinités avec les français, que ce soit des journalistes ou leur manager à Paris, Maxime Schmitt, qui restera très proche jusqu’au bout de leurs pérégrinations musicales. Numbers sera utilisé de manière constante pour lancer les concerts de Kraftwerk. Ce titre numéro 3 met sur une rampe de lancement Computer World 2, qui est à mon sens le morceau le plus faible de l’ensemble. Il reprend la mélodie du titre initial et des bribes de Numbers. Fait important, le quatuor de Düsseldorf s’auto-citera régulièrement au cours de l’album. Après cette transition s’ouvre le versant le plus mélodieux de l’album, et, en ce qui concerne spécifiquement Computer Love, le plus « humanisé ».

En prêtant une oreille amusée à cette chanson, j’y ai vu une sorte de préfiguration de la prolifération actuelle des sites de rencontres sur Internet. Les paroles sont, à cet égard, assez éloquentes : « I am lonely, I don’t know what to do, I need a rendez-vous ». Les synthés évanescents se répandent en une succession de courtes phrases musicales sinueuses.

 


 

Les membres de l'époque à l'époque de Computer World> Home Computer et it’s more fun to compute


Home computer et It’s more fun to compute sont deux titres semblables. Les références à l’univers du loisir informatique et donc du jeu vidéo sont explicites dans chacun d’eux. La première partie de Home computer alterne séquences épileptiques avec la voix capiteuse de Ralf Hütter, qui se contente de délivrer deux vers très basiques (Emil Schult n’est pas responsable de ce passage-là), où riment computer et future. Les pads de batterie montent au premier plan, laissant le titre muter dans une frénésie de papillonnements synthétiques, samplés et recollés en plusieurs endroits. La voix cybernétique d’It’s more fun to compute pose les bases du dernier titre, plus linéaire et anxiogène que la couleur générale de l’album. La dimension ironique des paroles vient, comme très souvent chez Kraftwerk, contredire les sonorités lustrées et définitives du rock robotique. L’équilibre trouvé entre la séquence initiale de basse et le « soupir » régulier des pads procure un canevas automatisé d’un boogie électronique d’une modernité assez étonnante. Seules des mélodies minimales qui rappellent les débuts krautrock du groupe viennent perturber le cours « funky » de ces deux instrumentaux obsédants. Avec cette production et un équipement au top de la modernité, Kraftwerk distance ses imitateurs anglais de la new wave et montre la voie pour la musique techno.

 


 

> Track-listing

 


 

1) Computer World (5:06)

2) Pocket Calculator (4:55)

3) Numbers (3:19)

4) Computer World..2 (3:23)

5) Computer Love (7:16)

6) Home Computer (6:19)

7) It’s more fun to compute (4:14)



> Ressources


 

À propos de Jean-Baptiste

Né en 1977. je ne vis pas de l'écriture, je ne vis pas pour la musique, mais je suis en quelque sorte à mi-chemin des deux. Peut être. ou pas.

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Une réponse à “Kraftwerk – Computer World (1981)”

  1. veridis Dit :

    Un de mes albums favoris du groupe.
    « Home Computer » et « It’s More fun to compute » (malgré l’age) restent des morceaux très efficaces, lorsque j’entends Ralph Hutter dire « Am Heimcomputer Sitz’ ich hier Und programmier
    Die Zukunft mir » ça me fait toujours autant d’effet. Un vrai regal !!

    La version allemande de l’album lui donne un « grand plus » non négligeable ;-)

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