…I care because you do – Aphex Twin (1995)

Pochette d'''...I care because you do''Difficile de cerner Richard D. James. Tout d’abord en raison du nombre de pseudonymes qu’il a utilisé, se dédoublant sous une autre identité mystérieuse à chaque fois qu’il collaborait avec un autre artiste de la scène techno et électro. Ensuite, comment interpréter le sourire carnassier qui orne la pochette de son quatrième album, un autoportrait au regard inquiétant ? Le natif d’une famille modeste de Cornouailles a la particularité d’avoir perdu son jumeau avant sa naissance, d’où le pseudonyme Aphex Twin (jumeau en anglais).

Nous sommes en 1995. Depuis son premier enregistrement Analogue Bubblebath, Aphex Twin (AFX pour les initiés) n’a cessé de multiplier les expérimentations avec les échantillonneurs et le son chaud des synthétiseurs analogiques. Sa passion du synthétiseur ne date pas hier : à l’age de seulement 14 ans, Richard avait déjà bricolé le sien. Après le succès critique de ses Selected Ambient Works 85-92, vient le succès tout court.

« …I care because I do » décroche le titre d’album indépendant le plus vendu en Angleterre. L’album est découpé en quatre parties de trois morceaux ; Side A, B, 3 et 4) et ses titres s’étalent de 1990 (il a alors 29 ans) à 1994. Les titres de l’album sont pour moitié des anagrammes de « The Aphex Twin » ou « Aphex Twin ».

 


> Revue de détail

Portrait de Richard D. JamesWap the nix est d’une juxtaposition de deux rythmiques break très elevées, sur laquelle s’élève des nappes atmosphériques. L’effet flangé de l’une d’elles m’évoque le bruit d’une pompe à vélo. 

Icct Hedral est une composition ample qui a une dimension cinématographique, avec sa procession de cordes. Elle d’ailleurs fait l’objet d’une adaptation orchestrale par le musicien minimaliste Philip Glass.

Wet tip ten ax reprend ses mêmes sonorités ambient. Il distille des claviers vaporeux, très chill-out. Une mélodie à deux branches s’épanouit au fil d’une rythmique accidentée.

Ventolin, qui sera édité en maxi-single, fait référence au célèbre médicament contre l’asthme, dont James est atteint, la ventoline. Ses bruitages stridents correspondent à la transposition de sa sensation d’étouffement. Les hautes fréquences qu’il utilise feraient fuir plus d’un mammifère ! Difficilement supportable.

Les trames acid des titres Come on you slags et Start as you mean to go on nous ramène à une routine dansante. Le premier avec des samples de dialogues de films, sur un beat jungle. Le deuxième correspond formellement à un instru basé sur des saccades d’infra-basses. À peine plus tolérable que Ventolin, Start as you… est une sorte de The Prodigy sous LSD.

 


 

> Ambient or not ambient?

 


 

Moo Kid, avec sa rythmique déglinguée de vieille machine à laver, est le morceau qui a toute ma sympathie. Je parle volontairement de machine à laver, car non seulement le morceau tourne sur lui-même, mais en plus les sons paraissent se délaver au fur et à mesure.

Autre morceau à la rythmique particulière, Alberto Basalm, est une sorte de rumba électronique tout à fait insolite, qui utilise le son d’un Zippo ou de tout autre briquet à clapet (Je ne fume pas, donc…). La mélodie semble déraper comme sur un disque rayé, pour se caler imperturbablement sur le ventre métallique d’un objet indéfini. Quand James était jeune, il ne pouvait pas d‘empêcher de taper sur tout ce qui se trouvait sous sa main.

Le rire de sa mère ouvre l’avant-dernière piste de cet album haut en couleurs (malgré ce que j’ai dit tout à l’heure au sujet de la machine à laver), avec un titre acid-funk qui s’offre en sus, le luxe d’une section vocale. C’est aussi le seul moment du disque où l’on entend la voix du créateur. Une ritournelle sert de fil directeur à un morceau qui en manque absolument (mais sans doute est-ce volontaire). Voici le reproche général que je formule sur « Cow cud is a twin » s’applique aussi à l’ensemble de l’ensemble de l’album : c’est un tantinet monotone.

Newt heap with est une composition au format « classique », c’est-à-dire no beat, qui renoue avec le pur travail ambient de James. Une façon de boucler la boucle. Le son cuivré séduit, l’écho est subtilement dosé (même si le son « crachote » un peu sur une installation hi-fi décadente comme la mienne). Sommes-nous encore dans l’univers de James ou dans un univers jumeau ?

 


 

> Track-listing

 


 

  1. Acrid Avid Jam Shread — 07:39 (1994)
  2. The Waxen Pith — 04:50 (1993)
  3. Wax The Nip » — 04:19 (1990)
  4. Icct Hedral — 06:07 (1994)
  5. Ventolin — 04:29 (1994)
  6. Come On You Slags! — 05:45 (1990)
  7. Start As You Mean To Go On » — 06:05 (1993)
  8. Wet Tip Hen Ax — 05:17 (1994)
  9. Moo Kid — 03:52 (1994)
  10. Alberto Balsalm — 05:11 (1994)
    Image de prévisualisation YouTube
  11. Cow Cud Is A Twin — 05:34 (1994)
  12. Next Heap With — 04:43 (1993)

À propos de Jean-Baptiste

Né en 1977. je ne vis pas de l'écriture, je ne vis pas pour la musique, mais je suis en quelque sorte à mi-chemin des deux. Peut être. ou pas.

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