Isao Tomita est un compositeur de musique électronique né à Tokyo en 1932. Peu ou pas assez connu en France, il est pourtant l’une des figures majeures de la musique japonaise. Il a d’ailleurs été le fondateur de Plasma Music, une institution de la musique électronique, en 1973 en collaboration avec Kinji Kitashoji, et Mitsuo Miyamoto.
Ses concerts avant-gardistes ont régalé des centaines de milliers de spectateurs/écouteurs à travers le monde.
Étudiant en histoire de l’Art à l’université Keio de Tokyo, après avoir été diplômé en 1955 de cette université, il se tourne définitivement par la musique. Son habileté pianistique n’a d’égal que sa culture en musique classique. Il a en effet pris des cours de composition et de théorie musicale dans le privé. Son rêve d’alors est de devenir chef d’orchestre.
Durant une quinzaine d’années, il compose principalement pour certaines grandes occasions (comme l’hymne japonais de l’éuipe japonaise de gymnastique aux Jeux Olympiques de Melbourne, en 1956), et pour de populaires génériques à la télévision nationale. Il collabora notamment avec le célèbre créateur d’Astroboy, Osamu Tezuka. Il reçoit un prix en 1973 pour l’ensemble de son œuvre au service de l’audiovisuel. Une de ses œuvres de jeunesse « Wind Mills » devient épreuve d’examen pour la fédération japonaise de maîtrise de chœur.
Mais le Tomita qui s’introduira dans les oreilles du monde entier attend encore son heure. Véritablement subjugué par l’écoute du premier disque de Walter Carlos « Switched on Bach », le nippon décide de se faire customiser un Moog similaire à celui de la pochette, un Moog modulaire III, et d’y adjoindre un Mellotron 400. Il attendra toute fois dix ans plus tard, il créera sa propre compilation de morceaux de Bach (Bach Fantasy).
> Le choc « Snowflakes are falling »
Après 14 mois de travail, Isao sort son premier disque chez RCA, Snowflakes are falling (en français les flocons de neige sont tombés), en 1974, qui rencontre tout de suite un immense succès. Aux Etats-Unis et au Japon, on connait aussi le disque sous le nom de « Clair de Lune », qui correspond à la Suite Bergamasque. Cet ensemble de reprises très personnelles de Claude Debussy lui permet de conquérir les charts internationaux. Comme Debussy, Tomita n’est pas d’une famille de musiciens mais pourtant ses dons sont exceptionnels.À partir de là, Tomita va enchainer les disques à un rythme soutenu, reprenant des classiques à tour de bras comme dans la série de trois albums 1975-76 en enchainant l’Oiseau de Feu d’Igor Stravinsky (100.000 exemplaires écoulés en trois mois !), Pictures at an Exhibition d’après Modest Mussorgsky et le concerto pour deux violons The Planets de Gustav Holst. C’est l’époque de sa première tournée en Europe.Tout le long des années 70 et au début des années 80, il aura accumulé les nominations aux Grammy Awards, dont quatre pour Snowflakes are falling. Le son de Tomita est en grande partie associé à la mouvance new age.
> Enceintes dans tous les coins et musique au coin du feu
Pour le japonais, ivre de son rayonnement, c’est le grand écart entre barnum ; l’électrification des deux standards de musique spatiale de John Williams, La Guerre des étoiles et Rencontres du troisième type (tous deux de 1977); et musique concrète, l’avant-gardiste Pacific 231 d’Arthur Honegger dans Kosmos (1978). La critique ne peut l’attaquer que sur l’opportunisme commercial de certaines reprises.Tomita affine progressivement sa vision de la spatialisation de la musique pour tirer le meilleur parti de la stéréo et essayer d’aller au-delà des deux canaux. Il enregistre la plupart de ses albums, à partir de Bermuda Triangle en quadriphonie, voire en ajoutant un cinquième haut-parleur.En 1980, il revient à sa période française du classique préféré avec un disque hommage à Maurice Ravel intitulé Daphnis et Chloé. Les éditions du Seuil nous enseignent que « Debussy est ravelien comme Ravel est debussyste ». Du reste, de nombreux claviéristes reprendront le Boléro en s’inspirant directement de la version de Tomita.
> La période haute technologie
Autour de l’année 1982 et l’album Grand canyon, Tomita abandonne les claviers analogiques pour s’offrir les synthétiseurs les plus chers du moment, et adouber la technologie MIDI. Il s’équipe d’un ordinateur Cosmo de Casio et d’un Synclavier II.En 1982, Il s’associe avec le vidéaste émérite et producteur Ron Hays (collaborateur notamment des Moody Blues, Yellow Magic Orchestra, Earth wind and fire, etc.) pour la troisième édition du festival autrichien d’Ars Electronica à Linz. C’est donc en costume traditionnel japonais qu’Isao délivre un mélange de musique classique et d’évocation d’amicaux objets volants non identifiés. La science-fiction illustrée !Pour l’album Canon of the three stars, il utilise l’imagerie magnétique des objets célestes pour créer des textures sonores.
> Les méga-spectacles : Sound clouds
Mais il faut surveiller l’année 1984, car c’est le 8 septembre de cette année-là que Tomita va réaliser un concert qui fera date, toujours dans le cadre d’Ars Electronica. Le show « Mind of the Universe » propose six tableaux qui narrent la vie dans l’espace. L’idée du concert vient du visionnage du film de Stanley Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’Espace, et du passage où l’on entend le celèbre Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss. Devant 80.000 personnes, la sonorisation du concert a lieu pour partie au-dessus de la tête des spectateurs, avec plusieurs structures de scène lumineuses comme flottant au-dessus du Danube, des dizaines de haut-parleurs disséminés, et un hélicoptère déguisé en OVNI. Une centaine de choristes est également au-dessus du sol dans une nacelle, ainsi qu’un violoniste virtuose. Quant à Tomita, il est installé, dix mètres au-dessus du sol, au centre d’une pyramide de cinq tonnes, inspirée par celle du Louvre de son compatriote Pei (non encore construite à l’époque).Ce concept fera des petits, puisque Tomita réédite son spectacle fait de lasers, de feux d’artifices, et de projections lumineuses sous le nom générique de « Sound cloud ». Pour le centenaire de la Statue de la liberté à New York, en septembre 1986. Quelques mois après le concert géant de Jarre à Houston, il créé Back to earth, avec un nombre accru de choristes (près de deux-cents) et de feux d’artifices préprogrammés.Il répétera ses expérimentations au Japon principalement, mais aussi en Australie, pour leur bicentenaire, entre 1988 et 1997. Chacun de ces concerts est une fable sur la petitesse humaine rapportée à l’immensité de l’univers. Dans certains de ces événements, il choisit des pièces exigeantes, comme le deuxième concerto pour piano de Rachmaninoff, et invite des pointures du clavier blues ou de la variété Ray Charles et Rick Wakeman en 1997. Pour chacune de ses représentations, Tomita invite un joueur d’instrument traditionnel japonais (Ehru, etc.) ou des joueurs de percussions Taiko.
> Fusion orient-occident et retour au classique
Entre 1990 et 1992, il monte sa propre version du conte des frères Grimm, Hansel et Gretel.À partir de 1998, notre infatigable pélerin rassemble un orchestre philharmonique pour exécuter sa création, The Tale of Genji, d’après le conte japonais éponyme. Ce spectacle, très proche des productions de Vangelis (El Greco, Mythodea) tourne à travers le monde, à Los Angeles, Tokyo et Londres. Durant la représentation, un mur Pioneer de 48 écrans (voir image) diffuse des images spectaculaires de l’espace vu d’un télescope.Ayant dépassé les 75 ans, l’activité de Tomita s’est sensiblement réduite ses dernières années. Mais il a toujours en projet d’éditer des DVD de ses travaux antérieurs, comme il l’a fait avec « The planets 2003 ». Il a par ailleurs travaillé sur l’habillage sonore d’un parc d’attractions de Disney à Tokyo en 2001.Il continue à œuvrer au cinéma, comme en 2002 avec le film The Twilight Samurai (Le samouraï du crépuscule). Et à nous émouvoir…
Ressources externes
- Site officiel de Tomita (en anglais)
- Vidéo : Arabesque n°1 issu de l’album Snowflakes are falling. (ex-générique de FR3)
- Extrait de l’Oiseau de feu d’après Stravinsky
12 janvier 2010 à 17:06
J’ai découvert Tomita par hasard en tombant sur la pochette de son Best-of. Je suis resté en arrêt pendant un bon moment sur cette espèce de Pinocchio adulte que l’on croirait dessiné par Fred Beltran. J’ai écouté les extraits musicaux en ne cessant de répéter dans ma tête : « Bizarre… vraiment bizarre… »