Tonto’s Expanding Head Band est un duo de musique électronique, auteur de seulement deux véritables disques, Zero Time (mars 1971) et It’s about time (1974). «T.O.N.T.O.» est l’acronyme pour «The Original New Timbral Orchestra».
Il se compose de deux programmeurs / ingénieurs du son : l’anglais Malcom Cecil et l’américain Robert Margouleff. Ces deux comparses se rencontrent à New York.
En plus de sa proximité avec la bande d’Andy Warhol dans « the factory », Robert Margouleff était un proche de Robert Moog. C’est par ce biais qu’il a eu propriété rapidement de deux gros synthétiseurs Moog modulaires série III qu’utilisait Walter/Wendy Carlos. Sur la base de cet appareil, Cecil développa en un vaste ensemble un synthétiseur polyphonique (avec des modulaires concurrents ARP notamment, et les premières machines japonaises), qui prendra le nom de « Tonto Synthesizer ».
> Tonto Synthesizer, le monstre analogique
L’appareil comptait de l’ordre d’une trentaine d’oscillateurs. Les façades de bois qui masquaient les modules étaient des imitations de Moog-III, pour donner une cohérence visuelle à l’ensemble. Inutile de préciser que l’accordage et l’alimentation de cet appareil sont des défis complexes. Il a fallu de trois ou quatre ans(selon les biographes, de 1968 ou 69 à 1971) pour compléter l’instrument avec un ingénieux système de contrôle du voltage ADSR de la conception de Serge Tcherepnin, un russo-chinois issu de Harvard. Aujourd’hui, suite à cette invention, dans le domaine du synthétiseur, Serge est devenu un nom commun, au même titre que Buchla ou Moog.
En 1971, le groupe Tonto’s expanding band sort Zero Time, un disque de 33 minutes d’un synthétisme total qui explore textures cotonneuses et mélodies versatiles avec un bonheur égal. La polyphonie permet au groupe d’avoir trois ou quatre ans d’avance technologique sur son temps.
> L’époque Stevie Wonder
À partir de 1972, les deux hommes collaborent de manière très rapprochée avec Stevie Wonder, un jeune noir de 22 ans qui vient les solliciter, sur toute sa série d’albums à succès des années 70. Ils l’accompagnent au clavier et assurent la direction artistique de la plupart de ses albums de ses débuts chez Motown (Robert signant même la photo de la pochette de Talking Book). Talking Book(avec l’imparable “You are the sunshine of my life”) et Music of My Mind (1972), Innervisions(et son single Higher Ground, en 1973), Fulfillingness’ First Finale(1974). Stevie Wonder ne tarit pas d’éloges à l’égard de ceux qui lui ont ouvert le ciel des Grammy Awards (deux récompenses en ingénierie du son pour les albums sus-nommés) : il estime que Zero Time est comme un bon vin, il s’améliore en vieillissant.
Tonto déménage à Malibu, en Californie, avec son encombrant « joujou » en 1972. Par la suite, il collabore avec tout le gratin de la scène soul et jazz-rock (Quincy Jones, The Isley Brothers, Weather Report pour ne citer que les plus connus). Ils fréquentent les facétieux américains du groupe Devo, avec lesquels ils partagent les valeurs hippies.
> Tonto au cinéma
En 1974, Le synthétiseur Tonto est au centre de la comédie musicale d’épouvante (au sens propre comme au sens figuré) de Brian de Palma, The Phantom of paradise, une version rock de Faust. C’est aussi cette année-là qu’ils sortent It’s about time, dont la pochette est une vue du dessus du synthétiseur Tonto.
> La scission du groupe
Malcom Cecil quitte le groupe Tonto en 1975 pour se consacrer à son activité de producteur. De fait, à cette époque Margouleff, est le dépositaire de la continuation du sigle Tonto. Robert Margouleff est dorénavant le PDG de MiCasa Multimedia studios en Californie, une société spécialisée dans le mix en son surround pour le cinéma et le home-cinéma.
Pour les 25 ans de Tonto, le groupe sort « Tonto rides again », avec l’intégrale du premier album plus des inédits du deuxième.
La configuration la plus récente du groupe est la suivante : Malcolm Cecil, sa femme Poli Cecil (artiste qui s’occupe principalement du côté visuel) et le fils de Robert, né en 1983, DJ Moonpup, qui est un fan de Coldcut, Kraftwerk et… de son père, bien sûr. La famille de musiciens habite non loin du lieu de Woodstock, aux Etats-Unis.
> La radicalité de Tonto’s expanding head band
Tonto est un des très rares groupes de synth-pop qui n’ait pas cédé aux sirènes de la norme MIDI.Le goupe n’a quasiment pas donné de concerts étant donné la taille de l’instrument qui participe de sa légende, le Tonto Synthetizer. Ainsi, le 5 août 2006, Tonto’s Expanding Band se produit pendant une heure au Big Chill Festival au château d’Herefordshire en Angleterre, haut lieu de la musique alternative, devant presque 35.000 personnes. Mais les spectateurs ont dû se satisfaire d’un synthétiseur virtuel. Il s’agit du «Virtual Tonto», qui joue d’après des séquences programmés. Des projections d’images animent le tout.
Tonto est toujours actif avec des musiques pour des films et des documentaires, plus une petite activité de mastering de disques. Mais son apport fondamental à la musique électronique n’est pas suffisamment connu, et le caractère de ses deux principaux protagonistes n’aide pas à changer cet état de fait.
> Discographie exhaustive
- Zero Time (Embryo SD 732, U.S. 1971)
- It’s About Time (Polydor, 2383 308, U.K. 1974)
- Tonto’s Expanding Head Band (Atlantic Records SD 18123, U.S. 1975) [ré-édition de Zero Time avec une pochette différente]
- Tonto Rides Again (Viceroy VIN6036-2, 1996) (CD regroupant »Zero Time » et des versions édité et renommé de morceaux de »It’s About Time »)
- Tonto’s Expanding Head Band (Malcolm Cecil, limited edition CD, 2006) (CD remasterisé de ’Tonto Rides Again’, avec un bonus track)
> Ressources sur le web
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Site officiel du groupe (assez succint)
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Tonto sur Synthmuseum.com (en anglais)
17 novembre 2008
Avant-gardes, Musiciens américains, Portraits