Ryuichi Sakamato, latin synth lover

3 janvier 2009

Musiciens japonais, Portraits

Ryuichi SakomotoEclectisme est le maître-mot pour définir Ryuichi Sakamato. À travers ses activités de compositeur, d’interprète et de producteur, il aura touché à tous les styles de musique. Sa liste de collaborations est impressionnante, et il a publié une vingtaine d’albums studios sous son seul nom. Le jeune homme a étudié la musique à l’Université des Beaux-Arts et de la musique de Tokyo. Passionné de composition et de piano classique (Claude Debussy), de peinture (les impressionistes) mais aussi de rock et de Kraftwerk, Sakamoto se spécialise en musiques électronique et ethnique. Il travaille comme musicien de studio pour gagner sa vie à la fin des années soixante-dix. Puis, en 1978 parait son premier album solo, The Thousand Knives of Ryuchi Sakamoto. L’album contient les titres à succès The End of Asia et Thousand Knives.



> Yellow Magic Orchestra : éphémère folie mais influence durable


Figurines représentant le trio Yellow Magic OrchestraSakamoto fonde le groupe Yellow Magic Orchestra (YMO) avec le bassiste Haruomi Hosono et le batteur et chanteur Yukihiro Takahashi en tant que claviériste et deuxième voix. Les trois hommes se connaissaient pour avoir fréquentés les mêmes studios, et se sont décidés à adapter un titre du pianiste américain d’influence latine Martin Denny, Firecracker à la sauce électrique et disco, en 1978, qui deviendra le point de départ de leur parcours. Leurs compositions varient entre acid-jazz et rock expérimental, mais conservent toujours une grande versatilité. Il n’est pas rare de voir chaque membre avoir des solos de plus de trois minutes pendant leur concert. Pour caractériser le style musical naissant, on parle de Japan pop ou de J-Pop. Mais la musique de Sakamoto rencontre un accueil très chaleureux partout dans le monde et singulièrement aux Etats-Unis. Ils sont signés rapidement par la maison de disques A&M. Dès 1979 se monte sa première tournée mondiale avec Yellow Magic Orchestra. Un titre comme Computer Games décroche une place dans le top 20 britannique. Technopolis, Tong Poo et Ongaku sont aussi de gros tubes.

Le groupe Yellow Magic Orchestra se dissout à la fin de 1983. Hosono et Takahashi rejoignent des projets de musique de films, de musiques ambient pour l’un, des groupes rock expérimentaux pour l’autre. Des albums live fleurissent après leur séparation, à partir de 1984. En réalité, ce n’est qu’une longue hibernation pour le trio qui renaitra bien des années plus tard. Technodon (1993) marque en effet le retour officieux du groupe, mais sous le nom de « Not YMO » ou avec le sigle YMO barré. Il faut attendre 2007, dans la grande vague des reformations des groupes mythiques (Led Zeppelin, The Police…) pour que YMO refasse parler de lui en nom propre (voir la fin de l’article).


> Du solo au cellulo


Ryuichi SakamotoLa carrière solo de Ryuichi Sakamoto peut continuer de plus belle : en 1983, Sakamoto s’équipe de sampleurs dernière génération et sort son album patchwork Ongakuzukan au Japon, qui deviendra à l’international Illustrated Musical Encyclopedia. C’est aussi son premier album où une voix de narrateur interpelle l’auditeur. En 1985, il compose la musique d’un ballet contemporain, sur lequel débouche le disque Esperanto, qui marrie la guitare électrique de l’américain Arto Lindsay et les percussions du japonais Yas-Kaz. En 1986, il sort le disque Futurista, en hommage au mouvement pictural futuriste des années 20.
Sakamoto collabore avec les plus grand noms de la musique : David Byrne (du groupe Talking Heads), Iggy Pop, Bill Laswell, Caetano Veloso, Thomas Dolby, Towa Tei (du groupe Deee-Lite), Nam June Paik, Youssou N’Dour, Mick Jagger, Sly Dunbar, Roddy Frame (d’Aztec Camera), Robin Scott, Hector Zazou et Cesaria Evora. Il lance des concepts-albums à intervalles réguliers, mais ne délaisse pas pour autant le grand écran. De l’ordre de 25 collaborations avec le cinéma à ce jour !


> Ryuichi fait son cinéma


Pochette de l'album Merry Christmas Mr. LawrenceParmi les films marquants du répertoire du japonais, il y a tout d’abord Furyo (1983) de Nagisa Oshima, dans lequel il jour également, aux côtés de… David Bowie. Oshima et Sakamoto se retrouveront pour le film Tabou (1999). Mais ce que le grand public retient surtout de lui, c’est sa collaboration avec le crooner new-wave David Sylvian sur le single à succès : Forbidden colors, qui accompagne le film « Merry Christmas M. Lawrence » (1983) où Ryuichi tient un des rôles principaux. Avec Sylvian, il signeront d’autres singles, mais aucun n’aura la grâce de cette composition au son digital très prononcé. Sakamoto fait partie des acteurs (mais mineurs, cette fois-ci) du Dernier Empereur, de Bernardo Bertolucci, son plus grand accomplissement commercial en tant que bande originale de film, en 1987. La valse des synthés fait que Strauss dialogue avec des arrangements traditionnels. La musique est partagée (plus que réellement cosignée à mon avis) avec David Byrne et marginalement par Cong Su, et les trois hommes sont conjointement sacrés lors de la cérémonie des Oscars l’année suivante (1988) dans la catégorie Meilleure musique de films. Bertolucci rappellera le nippon pour composer une partie de la musique d’Un thé au Sahara (1990) et Little Buddha (1993).
Au fil du temps, de nombreux réalisateurs talentueux se sont attaché les services de Ryuichi : Pedro Almodovar pour Talons Aiguilles (1992), François Girard pour Silk (2007), Brian de Palma pour Talons Aiguilles (1992), Snake Eyes (1998) et Femmes Fatales (2002).
Des extraits de certains de ses albums sont utilisés pour des films récents : c’est le cas de Chinsagu No Hana (extrait de Beauty) dans Japanese Story (2003), et de Bibo No Aozora (extrait de 1-9-9-6) dans le thriller Babel (2006).
Les studios d’animation Gainax lui commande en 1987 la musique du long-métrage Royal Space Force: les ailes de Honneamise, qui est un véritable carton au Japon. Le prix du meilleur clip décerné par MTV à Risky met en lumière le duo Sakamoto / Iggy Pop en 1987, qui s’illustre sur l’album de la maturité de Sakamoto, Neo Geo, même si elle est décriée par les critiques comme une production trop «lisse» et trop «hétéroclite».

 > Le virage néo-classique



Ryuichi Sakamaoto au pianoA partir de 1988, il lance une série de concerts playing the piano. Une dizaine d’années durant, Ryuichi va retrouver le public en tête-à-tête avec son instrument fétiche, avant d’agrandir son horizon à un trio de jazz conventionnel. C’est cette année là que parait son livre d’essais et d’entretiens avec le musicologue italien Massimo Milano intitulé Conversazioni.
Pour l’album Beauty (1989), il invite des instruments traditionnels japonais comme le ehru, ainsi que des chanteuses de musique traditionnels de la région d’Okinawa, à se frotter à Brian Wilson, Jill Jones, Robbie Robertson et Youssou n’Dour sur un disque à forte connotation world music.
Sakamoto répond favorablement à la demande du Comité Olympique International pour créer la musique de la Cérémonie d’Ouverture des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992.



> Le retour aux sources japonaises 


Les années 90 seront celles de tous les métissages. Avec les disques Heartbeat (1991) et Sweet Revenge (1994). Elles seront aussi l’occasion de la découverte de la musique des caraïbes et de l’Amérique du sud, au détour de l’album Smoochy (1996). Parallèlement à son attrait pour la bossa nova, qui coïncide avec son jeu de la main gauche caractéristique, Sakamoto balaie son répertoire de manière dépouillée et acoustique (clavier-violoncelle et violon) avec l’enrgistrement de 1-9-9-6. Il signe chez sur le label classique Sony classical.
En 1998, Sakamoto sort son premier disque 100% classique, l’album Discord, une suite orchestrale en quatre parties. Des artistes techno remixent des fragments de cet album, parmi lesquels DJ Spooky, Talvin Singh et Amon Tobin. C’est probablement à cette époque que la scène underground plébiscitent Sakamoto en lui coulant une statue de commandeur des pionniers de la musique électronique.
BTTB (initiales de « Back to the Basics ») poursuit l’effort académique de Sakamoto, en s’appropriant au piano des standards des années 80, comme Energy Flow ou encore Tong Poo. Suite à cet album, il part en tournée américaine avec le BTTB U.S. Tour, où il fait une première partie derrière les platines.


> L’attrait des planches 


L’opéra pop  »LIFE » voit le jour en 1999. Il s’agit d’un projet multimédia de grande ampleur. Bernardo Bertolucci, Salman Rushdie et le Dalaï-Lama participe à l’écriture du livret ou du moins son inspiration. Il mobilise 100 comédiens, chanteurs et danseurs, parmi lesquels figurent Pina Bausch et le ténor José Carreras. Toujours passionné de multimédia, en 2000, Sakamoto s’associe à Sega par l’intermédiaire de son ami Kenichi Nichi du studio LOL pour la bande-son mélancolique de l’un des premiers jeux de rôles évolutifs de l’histoire du jeu vidéo, Lack of Love (L.O.L).
Pendant ce temps, les deux ex-YMO Hosono et Takahashi se réunissent de nouveau dans un mini-groupe nommé le Sketch Show. Sakamoto rejoint le groupe en pointillés pour des enregistrements sauvages et décide d’appeler ce regroupement précaire Human Audio Sponge (H.A.S.).
En 2001, Sakamoto fait l’odyssée de l’espace entre les genres, passant du grandiloquent à l’intimiste, avec un certain nombre de projets singuliers. Et en premier lieu, un trio jazz en 2001 et 2002, aux côtés d’Antonio Carlos Jobim, qui lui permettent de retrouver le violoncelliste du projet 1-9-9-6, Jaques Morelenbaum et sa femme.


> Projets récents


En 2005, le fabricant de mobile Nokia lui commande des sonneries pour son nouveau-né, le Nokia 8800.
Puis une série de disques hermétiques dans le monde de l’eclectronica glitch, c’est-à-dire en forme de labyrinthe numérique. Vrioon (2003) et Insen (2007) et Utp_ (2008), en collaboration avec l’allemand Alva Noto, d’une part, et Christian Fennesz, l’australien, de l’autre (Cendre, 2007). L’ensemble de ces productions et prestations live (derrière des Mac) reçoivent un accueil critique enthousiaste.
C’est une marque de bière japonaise, Kirin, qui pousse les trois anciens membres du Yellow Magic Orchestra à se former à nouveau, le temps d’une campagne publicitaire en 2007. Finalement, le groupe se retrouve, rebaptisé HASYMO pour lancer le single « Rescue », puis un DVD, « HAS/YMO » en 2008.


> Discographie solo


  • Thousand Knives (1978) 
  • Summer Nerves (1979) 
  • B2-Unit (1980) 
  • The End of Asia (1981, avec Danceries) 
  • Left-Handed Dream (1981) (les versions japonaises et internationales sont des track-lists différentes) 
  • Ongakuzukan (1984) 
  • Esperanto (1985) 
  • Illustrated Musical Encyclopedia (version internationale de Ongakuzukan) (1986) 
  • Futurista (1986) 
  • Coda (1986) 
  • Neo Geo (1987) 
  • Tokyo Joe (1988, avec Kazumi Watanabe) 
  • Playing the Orchestra (1989) 
  • Beauty (1990) 
  • Heartbeat (1991) 
  • Soundbytes (1994, compilation de titres enregistrés entre 1981 et 1986) 
  • Sweet Revenge (1994) 
  • Smoochy (1995) 
  • 1-9-9-6 (1996) 
  • Discord (1997) 
  • BTTB [Back to the Basics] (1998)
  • Cinemage (1999) 
  • Intimate (1999, avec Keizo Inoue)
  • L I F E (2000) 
  • Zero Landmine (2001) 
  • Comica (2002) 
  • Elephantism (2002) 
  • Love (2003) 
  • Vrioon (2003, avec Alva Noto) 
  • World Citizen (2003, avec David Sylvian) 
  • Chasm (2004) 
  • Moto.tronic (2003, Compilation de titres enregistrés entre 1983 et 2003) 
  • Insen (2005, with Alva Noto) 
  • Sala Santa Cecilia (2005, maxi-live avec Fennesz) 
  • Cantus omnibus unus, for mixed or equal choir (2005) 
  • Bricolages (2006) 
  • Cendre (2007, avec Fennesz) 
  • Ocean Fire (2007, avec Christopher Willits) 
  • Utp_ (2008, avec Alva Noto) 
  • Koko (2008)


> Discographie avec Yellow Magic Orchestra

  • Yellow Magic Orchestra (1978)
  • Solid State Survivor (1979)
  • BGM  (1980)
  • Technodelic (1981)
  • Naughty Boys (1983)
  • Service (1983)
  • Technodon Pas de droits sur l'album (1993)


> Ressources sur le web

À propos de Jean-Baptiste

Né en 1977. je ne vis pas de l'écriture, je ne vis pas pour la musique, mais je suis en quelque sorte à mi-chemin des deux. Peut être. ou pas.

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Une réponse à “Ryuichi Sakamato, latin synth lover”

  1. jerome Dit :

    J’ai decouvert Sakamoto, comme beaucoup, par le titre « Forbidden Colors », extrait de la BO de Furyo, sur la compilation « Studio » qui rassemblait de chouette musiques de film des annees 80. Ce theme de Furyo est une musique qu’on oublie pas; electronique mais tres empreinte d’influence asiatique, dont cette envoutante rythmique de cymbales. J’aime aussi beaucoup Le Dernier Empereur, notamment « Rain » qui illustrait une pub, sur le TGV, si je me rappelle bien…

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