The Mix était-il un disque nécessaire ? Et plus encore, deux disques, puisqu’une version germanophone et une version anglophone ont été éditées ? Les deux leaders du groupe, Ralf Hütter et Florian Schneider, qui ont été lâché par Wolfgang Flür, poursuivent avec le fidèle Fritz Hilpert leur œuvre de numérisation de la sonothèque de Kraftwerk. Karl Bartos, quant à lui, clame qu’il a participé à la programmation des percussions sur cet album, et s’indignera de ne pas être cité dans les crédits du livret accompagnant le disque. Le studio Kling Klang a digéré son passé, mais est-ce dans une perspective d’avenir ? Ils fabriquent en tout cas un matériau clinique, propre à l’objet de toutes les manipulations, et orienté vers les clubs. Les commentateurs ont souvent utilisé le terme de «techno/housisation» de la musique de Kraftwerk au sujet de The Mix.
C’est pour cette raison qu’avec la presse, Kraftwerk ne parle que de «nouveaux enregistrements». Avec une heure de musique au compteur (Geiger), Ralf Hütter lui assigne un concept « kraftwerkien » additif : «Ce disque doit être considéré comme un live : il reproduit le concert type de la tournée de 1991 ». Et de fait, la tournée qui suivit la sortie de The mix conduit le groupe au plus absurde des concepts électronique (à mon avis) : l’effacement de vrais musiciens devant des automates qui s’actionnent stérilement au rythme de «We are the robots». Parenthèse fermée.
Autre recyclage, celui du visuel, qui renvoie à l’époque de The Man Machine, sauf que les robots sont animés de manière plus perfectionné. La pochette de l’album représente des photos esthétisantes des robots aux visages fermés du Kraftwerk des années 90. Un robot-Ralf à l’allure menaçante accentuée par l’angle de la prise de vue semble sur le point de nous étrangler, comme les androïdes de la BD «Les trois formules du professeur Sato», d’Edgar P. Jacobs. À noter qu’une version en 2 LP existe en vinyles bleu et jaune.
> Comment est-fait ce mix ?
L’objet du mix, c’est bel et bien les plus grand succès du quatuor de Düsseldorf, même si l’album Computer World est surreprésenté. L’échantillonnage proposé permet toutefois de retrouver les grands classiques de Kraftwerk (Autobahn, Trans-Europe Express), avec quelques omissions (Neon Lights, Man-Machine, et mon coup de cœur personnel, Europe Endless) assortis à de nouvelles séquences fractales en tout genre. En définitive, seules les mélodies (qui représentent le travail l’essentiel du travail de Ralf au sein du groupe) sont conservées dans leur pureté originelle.Les titres s’enchainent avec une fluidité imparable : Pocket Calculator et son versant japonais Dentaku, la trilogie Trans-Europe Express, Abzug et Metal on Metal. Autre aspect du mix, des fragments de chansons ont été réintroduits dans d’autres : « Trans-Europe Express » est prolongé dans le titre Abzug (le mot « déduction » en allemand). « Home Computer » est infecté par le virus It’s more fun to compute. Music Non Stop est bombardé par des samples de Boing Boom Tschak, et renforcé dans les basses, ce qui n’est pas gênant, car le titre était déjà conçu pour les pistes de danses. Je ne vois que deux différences notables avec les originaux.
> Quelques changements
La première concerne Radioactivity/Radioactivität, dont certaines paroles (Hiroshima, Harrisburg, Sellafield et Tchernobyl) sont rajoutées pour dénoncer le fléau nucléaire, ce qui est un revirement pour un groupe qui se disait apolitique. Le refrain est amendé de la sorte : «Stop radioactivity is in the air for you and me». La deuxième concerne Metal on Metal, qui se voit ajouter un final de cordes numériques crispant. Tout le reste est de l’ordre de l’homogénéisation des percussions électroniques, qui ont un aspect plus tranchant.
Pascal Racquiot-Loubet résume parfaitement l’idée générale, que je me fais de cet album postmoderne :
«Non, il n’y a pas d’inédit, c’est un album de remix. Où est le bonus, alors ? C’est simple : chacun de ces titres est souvent rechanté, banques de sons renouvelées, bref : rendu méconnaissable, extraordinairement remixé. Le tout avec la pirouette que l’on sait : comment mieux rendre hommage à ce remixage dont on nous rabat les oreilles qu’en l’opérant sur ses propres titres d’une manière qui écrase les artisans du genre et en gravant un disque qui ne prouve rien, ultime, parfaitement inutile et insolemment nécessaire.»
The Mix est-il un disque agréable ? À vos de juger. Je pense que c’est un album à réserver aux inconditionnels du groupe. À l’opposé du spectre, à ceux qui veulent embrasser toute sa carrière pour se faire une idée préféreront les albums originaux ou Minimum Maximum.
> Track-list (avec noms anglais et allemands)
- The Robots / Die Roboter (8:52)
- Computer Love / Computerliebe (6:38)
- Pocket Calculator / Taschenrechner (4:32)
- Dentaku (3:28)
- Autobahn (3:32)
- Radioactivity / Radioactivität (6:53)
- Trans-Europe Express / Trans Europa Express (3:20)
- Abzug (2:18)
- Metal On Metal / Metall Auf Metall (4:59)
- Homecomputer / Heimcomputer (8:03)
- Music Non Stop / Musik Non Stop (6:38)
> Ressources sur le web
- Clip de The Robots (version The Mix) :
- Partie de la biographie de Kraftwerk concernée par ce disque.
- Tous mes articles sur Kraftwerk
28 janvier 2009 à 20:37
1 er album acheté (en cassette à l’époque) dommage qu’on y retrouve pas Tour de France, the model et neon lights.