Eric Serra est l’un des plus grands compositeurs de musiques de films contemporains. Il a pu exporter son talent et sa force de travail (15 heures de travail par jour, selon ses propres dires) jusqu’à Hollywood. Retour sur l’itinéraire d’un fou de musique et d’informatique.
Né en 1959 à Saint-Mandé en région parisienne, le jeune Eric est encouragé par son père Claude Serra à jouer de la musique, ce qu’il fait avec zèle, en passant successivement de la guitare à la basse, du piano à la batterie en passant par la guitare électrique. Son instrument préféré reste la guitare basse, dont le maître est Jaco Pastorius. Sa mère décède alors qu’il n’a que sept ans, ce qui l’affecte énormément. Il se réfugie dans la musique. Grâce à son oreille musicale hors du commun, il s’intègre à diverses formations rock à quinze ans. Il travaille les standards du rock et du R&B. Puis le jeune Eric fréquente dans les studios d’enregistrements des grands noms, où il fait des sessions de basse pour des artistes importants : Mory Kanté, Youssou N’Dour, Catherine Lara ou encore Didier Lockwood.
> Rencontres avec Higelin, Jolivet et Besson
C’est à partir de mai 1981 et la fête organisée pour la victoire de Mitterrand que Jacques Higelin et lui commencent une collaboration qui durera qui durera sept ans au total. Il croise également la route de Richard Pinhas, créateur du groupe de rock électronique Heldon. À cette même époque, Eric travaille avec le cinéaste Pierre Jolivet, qui a un ami parfaitement inconnu du nom de… Luc Besson.
L’ayant vu sur scène, Luc Besson (24 ans) lui propose de composer la bande originale de son court-métrage Le Dernier Combat (1983), lui qui n’a aucune expérience en ce domaine. Inutile de rappeler que ce premier projet en appellera bien d’autres. Avec la B.O. de Subway, Serra est récompensé par sa première Victoire de la musique en 1985. Il a également un petit rôle dans ce film qui se déroule exclusivement en souterrain, ce qui sera sa première et dernière apparition au cinéma, si je ne m’abuse. Le disque de la B.O. de Subway est disque d’Or en France : 100.000 exemplaires vendus !
> Le Grand bleu, un bain de foule !
Serra double la mise en 1988, avec la Victoire de la Musique et le César de la catégorie «Musique de films», pour la célèbre B.O. du Grand Bleu, film tourné en anglais. Le Grand Bleu remportera aussi le Grand Prix de la Réalisation Musicale Audiovisuelle, décerné par la SACEM.Le succès de la musique comme celle du film dépasse toutes les attentes, permettant à Serra de conquérir les charts internationaux, en jouant la majorité des instruments. Le disque fait massivement appel aux sons du Roland MT-32 et du Yamaha DX-7. Le Grand Bleu s’écoule au total à trois millions d’exemplaires dans le monde ! Ce fait d’armes fait exception notable des États-Unis, où sa musique est remplacée in extremis par les distributeurs américains (même principe que pour La Marche de l’empereur d’Emilie Simon) par celle de Bill Conti. Sur cet album, Eric donne pour la première fois de la voix, sur la balade Lady Blue. Une version double album puis une édition du dixième anniversaire du film seront publiées.À défaut des palmes académiques (ce qui aurait été logique pour un film sur la plongée), Serra est fait chevalier des Arts et des Lettres dans la foulée. Avec l’argent récolté de cette réussite commerciale, Eric fonde le studio The X-Plorer, ainsi que sa société de production, The X-Plorians et continue de plus belle la musique de films, surtout pour Besson, son faiseur d’or, soit en tant que réalisateur, soit en tant que producteur (dans Kamikaze, de Didier Grousset).
> Les années 90, versant glorieux
Nikita (1990) sera l’occasion de tester une composition 100% numérique. Il récolte de nouveau le César et la Victoire de la musique pour ce film, un doublé jamais vu dans ces cérémonies. Atlantis (1991) lui permet de composer des chansons pour et avec en duo Vanessa Paradis.
La version masculinisée de Nikita, Léon ou The Professional pour les angophones (film plutôt médiocre), met en œuvre différentes styles musicaux. Serra est probablement à son zénith musical avec cet album (même si je n’ai pas eu l’occasion d’écouter Arthur et les Minimoys). Les américains viennent chercher le parisien pour composer la totalité de la B.O. de GoldenEye (sauf la chanson titre interprétée par Tina Turner, composée par Bono) en 1995. Les fans de la série d’espionnage n’apprécie pas du tout, du tout, le passage au synthétiseur du célèbre thème. Puis, en 1996, une première compilation de ses plus belles compositions parait sous le nom de « La musique des films ». Il contient des inédits des débuts d’Eric, notamment des extraits du Dernier Combat.Le Cinquième élément (film de 1997 injustement critiqué pour ses parti-pris esthétiques) permet à Eric Serra d’offrir une alternative à l’univers sombre de Blade Runner, avec une musique baroque, entre classicisme et infusion multiculturelle (moyen-orientale). Les parties symphoniques sont executées par le London Session Orchestra. Le Chanson pour la chanteuse israélienne Nourith, Little light of love, est une belle réussite. L’album tiré du film s’écoulera à 750.000 exemplaires.
> Les années 90, versant désenchanté
En 1998, Eric créé le concept RXRA (l’écriture phonétique de son patronyme), avec Nourith en choriste. Ce premier album solo chanté en français et en anglais est boudé par les médias, ce qui ne l’empêche pas d’en faire trois versions à l’international : une pour les anglais, une pour les espagnols et une pour les japonais. Luc Besson fait de nouveau appel à lui pour le film les plus polémiques de 1999 : Jeanne d’Arc avec Milla Jovovich. Ce sera la deuxième bande-son entièrement symphonique de Serra (après Atlantis), qui, n’ayant jamais appris le solfège, compose la musique au synthétiseur et au sampleur pour la faire transposer ensuite pour orchestre par Geoffrey Alexander. La partition de Serra est attaquée par les éditeurs de l’opéra de Carl Orff, Carmina Burana, pour un décalque un peu trop manifeste.
> Nouveaux projets, nouveau millénaire
Ce revers judiciaire (affectant la Gaumont) n’entamera pas la confiance de Besson en lui (il le redemandera sept ans plus tard), ni d’autres cinéastes, nombreux à le solliciter. Richard Berry, Patrick Allessandrin, Gérard Krawczyk, Danièle Thompson et Paul Hunter font appel à lui en solo ou en équipe entre 2001 et 2005 pour des B.O. En 2005, il est promu Officier des Arts et des lettres par le nouveau gouvernement.En plus de Nourith dont il a participé au premier album solo, Eric Serra met son nom au service des autres en misant sur les groupes Harry Morse Project et Wild. Il fonde un label, initulé Recall Music for films, qui travaille ponctuellement sur des films produits par Besson (Bandidas, Le Transporteur 2).
« Arthur et les Minimoys » est la dernière (promis) série de films promise par le réalisateur Besson, qui compte arrêter de tourner. Serra est toutefois sommé de composer en ayant vu une seule fois le dessin animé, au lieu de pratiquer le « direct » qui lui a tant réussi. Le résultat plait suffisamment à chacun pour décrocher sa quatrième (record en cours) Victoire de la musique en 2006.Depuis cette époque, Serra a concentré ses efforts sur la scène, à la tête du groupe RXRA, dont il assure les voix et la basse, pour une retrouver l’esprit jazz-rock qui lui a donné envie de commencer la musique. en 2007, il se produit sur la scène de l’Olympia de Paris avec un orchestre symphonique de 60 musiciens.
On souhaite « bon vent » à Monsieur Serra, qui a, pour toute une génération, a réussi à donner une certaine âme au son numérique !
> Ressources sur le web
- Site officiel
- RXRA sur Myspace
- Grand Bleu « Ouverture » : http://www.dailymotion.com/video/k7J6QYs9oOFaenUJFg
12 février 2009 à 1:14
Juste un petite parenthèse sur Léon : Eric Serra disait lui-même à l’occasion d’une interview qu’il s’agissait de l’?uvre dont il était le plus fier. Par contre, affirmer que le film était médiocre, c’est un peu osé comparativement au reste de la production de Luc Besson. Noté 8,6/10 sur l’Internet Movie Database, le mieux reste encore de le voir pour s’en convaincre !
..::Webmaster::.. Promis, je regarderais Léon une fois de plus pour avoir un avis plus frais. J’ai hesité à mettre des apprécisations sur les films au début… Après tout, nous sommes sur un site de musique, pas de cinéma.
23 août 2010 à 22:34
Superbe article bien détaillé. Seul petit point : 1 pour Tryphon. ^^
Justement, on est sur un site de musique, pas de cinéma…