Le troisième album original des Chemical Brothers marque le « décrochage » du style big beat, nonobstant les tubes « Hey Boy, hey girl » et « Let forever be » parus en singles, pour un public plus large.
Donner un petit frère à Exit Planet Dust et Dig your own Hole n’est pas un défi très aisé. Après un disque de remixes au titre éloquent (Block Rocking Beats), Rowlands et Simons envisage la guérilla technologique avec un album au titre aux consonnances militaires radicalement différent. Au programme : mitraillette de beats et grenade lacrymogène de folk-songs extra-terrestres. Le tout pour achever sa mutation de groupe techno-choc en groupe techno-pop. On passe d’un style musical, d’une époque à une autre, sans coup férir.
> Un disque de transition
Surrender signifie en effet « rendre les armes ». D’entrée, les frères électriques mettent le feu aux dance-floors, avec une série de trois titres binaires à souhait, qui se fondent les uns dans les autres. Music : Response et son vocoder et ses vrai-faux choristes produit l’effet d’un Shaft kidnappé par une horde de blips. On note ici la présence (à peine identifiable) du sample « Make it hot » de Nicole Wray. Les Chemical Brothers font l’aller-retour entre Trance et Goa avec dextérité. Sur Surrender; les guests se bousculent au portillon, ce qui n’a pas gêné Tom :
C’était différent avec chacun d’entre eux, Bernard Sumner, Hope Sandoval et Noel. Ils sont très différents les uns des autres. Mais notre son est tellement puissant et spécifique qu’il vraiment digérer toutes ces différentes choses, sans paraître diminué. (juillet 1999, interview au NY Rock)
Mais de toute les collaborations, celle avec Bernard Sumner est celle qui ressemble la plus à un rapport de groupie à l’icône fragile. Bernard Sumner (chanteur de New Order), secondé par Bobby Gillepsie (de Primal Scream), délivre l’intensité de sa voix âpre sur Out of Control, tornade psyché qui mute en rythmes improbables. Au final, avec un titre moitié New Order, Moitié Chemical, les brothas de Manchester parfaissent un hommage à l’influence pop-rock de ce groupe majeur aux activités multiples.
Après les divagations rococos de Orange Wedge sur un « bass line » très chic, on rentre dans le coeur de l’album, avec Let Forever be, immortalisé par le clip « fractal » de Michel Gondry. Le titre de la chanson est peut-être un clin d’oeil à Lennon et Mac Cartney, en tout cas, il leur partage la couleur pop horizontale, avec un 4/4 bien campé et des effets rétro comme les bandes inversées sorties des années 60. Si on ajoute à ce paysage la voix cabossée de Noël Gallagher (fan des fans de Lennon et déjà à l’origine de Setting Sun), le tableau est complet !
> Des morceaux hétéroclites
Mais mon morceau préféré, c’est sans doute The Sunshine Underground, qui charrie de multiples ambiances au long de ses huit minutes. Il contient un sample d’ »Asian Workshop », qui lui donne sa couleur exotique délicieuse. Ce morceau instrumental (l’un des seuls), au tempo élevé, commence dans un climat presque ambient, avant de décoller par étages comme une fusée. Très fluide, très intéressant. D’ailleurs un groupe anglais de Leeds a pris le nom de cette chanson pour nom. Ensuite vient le titre Asleep from day, popularisé peu de temps après en France par les campagnes de publicité d’Air France (réalisé aussi par Michel Gondry), interprété par Hope Sandoval, ex du groupe Mazzy Star. Ça fleure bon les années flower power tout ça.« Got glint » emprunte la rondeur de la basse synthé de Chameleon (les jeunots sont équipés du Minimoog) et le vocoder d’Herbie Hancock (à moins que ce soit celui de Daft Punk) pour former la trame d’une curieuse compo très 80′s avec claps et effets flangers. Un sample de l’album Cosmos 2043 – « Earthmessage » – prolonge l’abysse intersidérale façon Sun Ra. Ce titre a du mal à s’accorder avec la tonalité générale de l’album, qui est plus rugueuse (à l’exception d’Asleep from Day) et parfois sombre. Il est enchainé avec le tubesque Hey Boy, hey girl. La phrase-clé ponctuée par « Here we go », est tirée du morceau « The Roof is on Fire » par Rock Master Scott and the Dynamic Three. Personnellement je n’accroche pas à cette mise en abime house. De toute façon, je n’aimais pas Block Rocking Beats, donc… Heureusement, pour ne pas me faire laisser cet incident de parcours me faire regretter mon heure de musique, Jonathan Donahue du groupe Mercury Rev conclue l’album de sa voix paisible sur « Dream On« , une balade éthéré dédié à la guitare sèche.
Voilà donc le meilleur album de l’année 1999. L’album Surrender a obtenu le titre d’album le plus vendu en Angleterre début juillet 1999, où il a été certifié double album de platine.
> Track-listing
19 mars 2009
Big beat, CD et Vinyles, Chemical Brothers, Disques 90's