Rainforest est un album bien moins figuratif que le dessin qui orne sa pochette ne le laisse entendre. D’ailleurs Robert Rich regrette toujours l’esprit de cette pochette, même si elle a permis de faire vendre plus d’albums qu’un design austère ou chamanique. Premier album de Rich sur le label californien Hearts of space (fondé en 1984 par son ami producteur de radio Stephen Hill), ce sera le plus grand succès commercial de l’artiste. Rainforest est donc un album personnel à plus d’un titre puisque Robert est surtout connu de nos jours pour ses collaborations avec divers artistes de la scène ambient.
L’inspiration pour Rainforest (la forêt vierge) est venue à Rich de composer cette musique en contemplant la forêt voisine du comté de Big Sur, Los Padres National Park, dans le nord-est pacifique des États-Unis. Plus singulièrement, il réagissait à la surexploitation des forêts et leur destruction à des fins mercantiles, notamment en Indonésie et au Brésil. Une partie de l’argent réunie par la vente du disque est reversée à l’organisation écologiste américaine Rainforest Action Network, fondée en 1985, soit quatre ans avant que le chanteur britannique Sting ne se fasse le porte-voix du chef de tribu amazonien Raoni.
> Là tout n’est que luxe, calme et volupté
La musique ethno-ambient (ou « space tribale », selon sa propre expression) de Rich trouve dans la description de la forêt vierge un terrain fertile pour une évocation de différents aspects de ce milieu d’une manière impressionniste ou hallucinatoire. Pas de beats ici, pas de structure 4/4, Rich prend le temps de nous transporter au cœur de la jungle, au sens le plus végétal du terme, car comme indiqué dans les notes du livret, « la musique est mentale, pas physique ». Rich joue d’un ensemble gamelan indonésien (xylophones, gongs, diverses tables à percussions métalliques), d’une flûte de bambou, d’ocarina, de doumbec israelien (sorte de djembé) et de kalimba (piano à pouce d’origine africaine), qu’il marie avec ses nappes de synthétiseurs sur tous les titres, n’étant assisté que de Walter Scholz aux gamelans que sur le titre A passage in Bronze. Mbira, le titre d’ouverture, où Andrew McGowan (ancien complice du duo Urdu) intervient à la basse, est le titre le plus « world » conventionnel de l’album. Les entrelacs mélodiques de Bach sur The Forest dreams of Bach sur un tapis harmonique sont autant de fausses pistes pour trouver les ressorts de la composition « horizontale et processionnaire » de Rich.
> Pluie de cordes synthétiques
Les rythmes deviennent enchevêtrés sur Drumsong, morceau vif et entrainant exécuté à la flute de bambou. Le troisième morceau de la trilogie Rainforest suite consiste dans une musique très atmosphérique qui fait la part belle aux bruitages naturalistes : cris d’oiseaux, craquements de bois, battements d’ailes, clapotis léger d’un cours d’eau. Avec Sanctuary, Rich aiguise son art entre « a-tonalité » et « micro-tonalité » dans un exercice de temps suspendu (ou de rêverie) au clavier qui n’est pas sans évoquer certains « paysages » brumeux de Klaus Schulze. À ce stade, il faut souligner que c’est la musique cosmique de Schulze qui a inspiré l’envie à Rich de construire son propre synthétiseur, vers l’âge de 13 ans, à partir de kits. Sanctuary est un morceau majestueux aux subtiles modulations.
Puis, Temple of Eyes et ses percussions lancinantes qui montent crescendo finissent de vous hypnotiser, dans un sentiment de « densité sonore » qui n’est pas moins étouffant et moite que la jungle elle-même.
Le titre The Raining room doté d’un climat crépusculaire et conclu par le tonnerre, est dédié au cinéaste mystique russe Andrei Tarkovshy. L’animisme de Robert Rich entre en profond dialogue avec les créations cinématographiques de ce dernier. Tarkovshy, avec sa croyance dans les esprits, n’a pas cadré avec la nomenklatura soviétique tout comme Rich a du mal à cadrer avec la durée des concerts pop : 6 ou 7 heures de rang pour les « sleep concerts ».Les presque 11 minutes du très méditatif Veil of mist nous mettent en présence d’une musique extrêmement relaxante, lente et dépouillée. Autant de termes qui caractérisent bien la deuxième moitié de l’album. Enfin, A passage in Bronze est une courte pièce qui est emprunte d’un certain spleen « oriental », musique de phase pour piano, tambourinée gentiment avec le bonang, ce petit gong indonésien.
Cet album est sans doute la meilleure introduction au monde très contemplatif (et très intellectuel) de Robert Rich. Excellente musique d’arrière-plan (définition de l’ambient music), elle ne monopolise pas votre attention mais est censée activer votre bien-être.
> Track-listing
1. Mbira 4:11
2. The Forest Dreams of Bach 5:45
3. Drumsong 4:41
4. Surface 5:54
5. Sanctuary 6:24
6. Temple of Eyes 5:19
7. The Raining Room 6:51
8. Veil of Mist 10:38
9. A Passage in Bronze 3:30
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31 octobre 2012 à 17:53
YES