La voix et le visage de Laurie Anderson sont familiers aux amateurs de la musique de Jean Michel Jarre. Elle a participé aux deux albums « vocaux » du musicien français : Zoolook et Metamorphoses, et a aussi fait partie de l’aventure égyptienne de Jarre aux pieds de pyramides pour le passage à l’an 2000. Mais son art est plus confidentiel.
Laurie Anderson est née en 1947 à Glenn Ellyn dans l’Illinois dans une grande famille (huit frères et soeurs) d’origine suédoise, et est une enfant très studieuse, et s’autorise comme seule récréation des parties de pèche en solitaire. Elle se destine à une carrière dans les arts plastiques et enquille les diplômes en histoire de l’art (à New York en 1969) et en sculpture (à Columbia où elle est désormais docteur honoraire). Puis la jeune femme commence des performances artistiques dans les quartiers culturels de New York. Sa passion pour les instruments bizarres lui font créer dès 1977 un violon blanc d’un genre de musique concrète, qui a une tête de lecture sur l’archet et une bande magnétique à la place des cordes. Jouer le double jeu entre esthétique de la musique classique et les sons enregistrés n’est qu’une des nombreuses facéties (car l’humour est central dans son travail) dont elle fait son travail d’artiste et de poète.
> Une femme bien entourée
Pour situer un peu le personnage, elle se mêle à Philip Glass et John Cage, Frank Zappa et Patti Smith (rien que ça !) dans le cadre de la Nova Convention de 1978 pour expérimenter les modulations sur sa voix en imitant la grenouille électroniquement. Elle est dans le cercle des amis d’Andy Warhol (pour lequel elle fait la narratrice dans la somme biographique filmée de 2006), autour duquel gravite des poètes et intellectuels comme John Giorno et William Burroughs. C’est ce trio qui va, sur aide publique, composer un double album expérimental à souhait, You’re the Guy I Want to Share My Money With (Tu est l’homme avec qui j’ai envie de dépenser mon argent, NDLR) en 1981. L’essentiel de sa prestation découle des expériences multimédias qu’elle fait dans le cadre de ses soirées de quatre heures de rang, dites « United States », où elle critique le modèle américain avec fracas. Elle y alterne poésie, mime et chanson, performances qu’elle réutilisera dans les albums ultérieurs. Elle a aujourd’hui une dizaine d’albums à son actif.
Dans la foulée de ce premier disque confidentiel, elle enregistre en 1981 au vocoder le single O Superman (For Massenet) sur un label inconnu, One Ten Records. La chanson, un pamphlet contre l’industrie militaire des États-Unis, dure tout de même 8:30 ! Mais diffusé dans l’émission populaire de John Peel, contre toute attente, voilà ce titre déjanté propulsé à la deuxième place des charts britanniques ! En amérique en revanche, la réception est encore froide. Suite à ce succès, la compagne Warner music l’embauche et lui permet d’enregistrer Big science.
« Si je dois absolument me définir, je dirai que je suis d’abord un linguiste. »
> Les rencontres de Gabriel et Jarre
C’est l’époque du Fairlight et du Synclavier. Avec l’album suivant, Mister Heartbreak (1984), elle enrichi son répertoire d’un nouveau standard, Excellent Birds, en duo avec Peter Gabriel (qui deviendra This is the picture sur les rééditions de l’album So de l’anglais). En 1984 toujours, Jean Michel vient la solliciter à la sortie de la galerie d’art où elle expose pour qu’elle sache si elle veut intervenir sur l’album Zoolook. Jarre a trouvé un titre parfait musicalement (Musique pour supermarché, partie 7) et symboliquement pour servir d’écrin à la « fée » électrique : Diva !
Friande de nouvelles collaborations, elle accepte de se prêter à un jeu de déconstruction du langage, qui semble correspondre beaucoup de ses idées sur le rapport entre l’homme et la technologie. Les deux artistes se produisent pendant les prises dans des bars intimistes pour des jams sessions sauvages jamais enregistrées. L’atmosphère du milieu des années 80 à New York, avec Laurie Anderson, aux côtés du guitariste Adrian Belew et de l’écrivain William S. Burroughs est toutefois retranscrit via le film musical Home of the Brave (le film de Laurie Anderson), filmé en 1985 et produit commercialement en 1986.
En plus des éléments littéraires qui forment le corps de ses chansons, elle n’hésite pas à utiliser des éléments autobiographiques souvent violents dans le texte de ses one-woman shows devant des écrans qui projettent ses films et ses photos. La jeune femme, compagne de Lou Reed (avec qui elle s’est mariée en avril 2008), va travailler avec la crème des musiciens synthétiques des années 80 et 90, David Sylvian, Brian Eno, Hector Zazou, Ryuichi Sakamoto, Dave Stewart, etc. Avec son futur mari, elle va intervenir en chanson sur certains de ses albums poétiques, comme sur celui l’hommage à Allan Poe (The Raven, 2003) par exemple, et la réciproque sera aussi vraie. Elle s’associe avec une pointure comme Bobby Mc Ferrin, et une quarantaine au moins de musiciens pour l’album choral Strange Angels (1989), qu’elle considère comme son premier véritable album de chansons (elle a pris des cours pour développer son timbre de mezzo-sporano).
> Les années 90

> Les années 2000
En 2001, il fait une tournée aux États-Unis, dont la date prévue à l’hôtel de ville de New York survient huit jours seulement après les attentats du 11 septembre. Le concert aurait dû être annulé, deuil et douleur oblige, mais elle jouera quand même, et l’ensemble est retranscrit sur son Live in New York de 2002.
En 2003, elle est l’objet de la tradition du mécénat artistique de la NASA. Elle est invitée par l’agence spatiale américaine contre 20.000 dollars à s’installer dans ses locaux (une première) devant les images de la surface martienne, avec toute liberté artistique, et produira une performance issu de cet expérience, intitulée The End of the Moon. Son affectation pendant deux ans au milieu des scientifiques lui ouvre aussi les portes de l’Expo universelle de 2005 au Japon, où il est question de lunes et d’étoiles. L’intérêt de la chanteuse américaine pour les évènements spectaculaires, par contraste à son cheminent underground, lui font accepter nombre de projets médiatiques comme le concert de Gizeh. Elle devient ainsi un des concepteurs de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004.
Déjà investie dans la guerre contre le SIDA, madame Lou Reed donne beaucoup de son temps à des concerts caritatifs notamment aux États-Unis. Le futur album de Laurie, Homeland, reporté depuis un an, est prévu pour sortir d’ici la fin de 2009. Une tournée Homeland (en Russie, Angleterre, Australie…) a déjà permis de fixer les nouvelles orientations artistiques à long terme de Laurie et ses fabuleux instruments… toujours cap sur l’inattendu !
> Discographie
- Big Science (1982)
- Mister Heartbreak (1984)
- United States Live (coffret 5LP réédités en 4CD) (1984)
- Home of the Brave (B.O de son film) (1986)
- Strange Angels (1989)
- Bright Red (1994)
- The Ugly One with the Jewels (1995)
- Talk Normal (best-of) (2000)
- Life on a String (2001)
- Live in New York (2002)
- Homeland (à paraitre courant 2008/2009)
> Ressources sur le web
- Site officiel
- Langage is a virus :
9 novembre 2009 à 12:39
Aaah, Laurie
Son premier albnum (Big Science) est un peu ardu à écouter par moment, mais ça vaut franchement la peine de se forcer, car c’est un disque qui ne ressemble à aucun autre, avec ce contraste entre la vivacité de la voix de Laurie et la froideur (voulue) des arrangements électroniques. L’album « Brigt Red » est un peu dans la même veine, très froid, très minimaliste, peut être même encore plus difficile d’accès que « Big science ». En tout cas, c’est l’album que j’aime le moins…
A celles et ceux qui ne connaissent pas, je recommanderai plutot de commencer par l’excellent « Strange Angels » dont le « Coolsville » me fiche des frissons rien que d’en parler. Allez fait aussi un tour vers « Life on a String », une vraie belle réussite.