Entretien sympathique et instructif avec Frédéric Esnault, la tête de proue du fan-club Oxygène qui a « sévit » en France à la fin des années 90. Il y est question du fan-club, de son attachement à l’artiste, à ses rencontres, mais aussi à sa vie d’après et ses autres passions…
1- Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Je vis en région parisienne, j’ai bientôt 35 ans (NDLR : en 2010) et je suis aujourd’hui directeur technique d’une petite société de services en informatique. Parallèlement, j’ai une activité artistique en amateur : je fais de la peinture numérique et depuis peu, je me suis aussi lancé dans la musique.
2- Comment est-ce que tu as découvert Jarre ? Mon premier contact date de ma petite enfance, vers l’âge de 3-4 ans : le clip d’Equinoxe qui passait à la télé était pour moi comme un cauchemar éveillé qui me faisait hurler et pleurer de terreur ! Je crois que c’est le son de l’AKS qui me faisait le plus peur dans tout ça… Dix ans plus tard, sur une pulsion inexplicable, mon frère a acheté l’album Révolutions et nous nous sommes mis à l’écouter en boucle, avant d’aller faire de même avec les autres. Nous partageons cette passion pour Jean Michel Jarre depuis cette époque. |
3- A quel moment t’es-tu senti « fan »? La retransmission télévisée du concert à la Défense a été un choc mais c’est Chronologie qui nous a fait passer à la « vitesse supérieure »: mon frère et moi avons acheté et écouté religieusement le disque le jour même de sa sortie. Je me souviens de ce moment comme si c’était hier. A cette époque, aucune interview ou article concernant cet événement ne nous a échappé, et nous avons vraiment commencé à nous intéresser à l’artiste, à sa manière de travailler et à ses idées.
4- Est-ce que la musique de Jean Michel a influencé d’une manière ou d’une autre ta vie (professionnelle ou artistique) ? Je ne crois pas que ma vie professionnelle ait particulièrement subi cette influence. Par contre, pour mes activités artistiques, c’est indéniable. Je ne pourrais pas dire que je cherche à faire du Jarre car en soi, ce ne serait pas un objectif intéressant. Mais j’essaie de créer ce qui me plaît et il se trouve que ça a assez souvent un lien de parenté avec ce qu’a fait Jean Michel. Pour ceux qui voudraient en juger, voici l’adresse de mon site : http://www.arts21.net |
5- Quels sont les concerts auxquels tu as assisté ? J’ai assisté à de nombreux concerts même si je suis loin de les avoir tous vus : Europe en Concert à Tours en 93, le Concert pour la Tolérance à Paris en 95, 4 concerts de l’Oxygène Tour en Angleterre puis celui à Caen en 97, la Nuit Electronique et l’Apple Expo en 98, les 12 Rêves du Soleil en Egypte pour le passage à l’an 2000, Solidarnosc Live à Gdansk en 2005 et un concert au théâtre Marigny en 2007.
6- Quel est ton meilleur souvenir de cette époque en tant que fan ? J’ai beaucoup de souvenirs mais le plus marquant reste ma première rencontre personnelle avec Jean Michel à Londres pendant la tournée Oxygène Tour. Je m’étais pointé à son hôtel et j’avais demandé à le voir. Alors que le réceptionniste m’annonçait froidement qu’il n’y avait pas de Jean Michel Jarre ici, les portes de l’ascenseur se sont ouvertes et ce dernier est apparu comme par miracle ! Il a pris le temps de discuter avec moi en tête à tête pendant 5 minutes. J’ai adoré le côté serein et intime de notre échange, même si évidemment, c’était un peu trop court…
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7- Comment est né le fan-club Oxygène et quelles étaient ses activités ? Quel était sa popularité ? C’est une longue histoire ! Pour résumer, j’ai commencé par travailler pour Conductor of the Masses dont j’ai traduit le magazine en français pendant quelques années. C’était l’époque de l’explosion d’Internet : dès 1995, j’ai créé mon site personnel et je suis devenu membre de la mailing list des fans de Jarre. J’y ai découvert une communauté très active et internationale dans laquelle je me suis fait quelques amis. Cela m’a conduit à travailler aussi pour le fanclub anglais Revolutions. Au bout de quelques années, frustré de voir tant d’activités à l’étranger et si peu en France, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure en créant Oxygène. Ca n’était possible que parce que mon frère s’impliquait avec moi, pour ne pas dire toute la famille, et que nous avions réussi à entrer en relation avec quelques fans français sérieux et motivés. Au début, c’était grisant de pouvoir enfin exprimer les choses à notre façon et de créer une nouvelle identité. Notre principale activité a été l’édition d’un petit magazine puis d’un site internet. Je crois que notre travail était reconnu et bien apprécié des fans mais nous n’avons jamais touché qu’un public très restreint.
8- Comment s’est-il arrêté ? Le manque de temps personnel a eu raison de nos projets. Il est vrai aussi que la motivation s’est effritée petit à petit. D’un côté, nous n’avions pas un soutien constant de l’équipe autour de Jarre et de l’autre, nous avons été démotivés par les fans eux-mêmes. Entre les collectionneurs compulsifs, ceux qui rêvent seulement de lécher les pieds de la star et les éternels insatisfaits, plus prompts à critiquer qu’à apprécier (attitude très française), peu d’entre eux s’intéressaient vraiment à ce que nous faisions. Je ne veux pas dire que tous les fans étaient comme ça mais il y en avait trop à mon goût. J’aurais aimé toucher un public plus large, m’adresser à ceux qui ne connaissent pas bien l’artiste et leur expliquer pourquoi le travail de Jarre est formidable plutôt que d’entrer dans des débats d’experts. Finalement, nous tournions en rond dans un microcosme qui manquait sacrément d’oxygène ! Concrètement, nous avons arrêté le magazine papier en 2000 pour nous concentrer sur le site internet qui s’est petit à petit figé dans l’état où il est resté aujourd’hui : http://oxygenejmj.free.fr Assez curieusement, tous les fanclubs de notre génération ont cessé leur activité dans ces années là… |
9- Peux-tu nous dire quel était la nature des contacts que vous avez eus avec Jean Michel et son entourage ? Comme je l’expliquais, ça manquait de régularité… Parfois, l’équipe autour de Jarre nous apportait des éléments sur un plateau et à d’autre moment nous ignorait totalement. Il faut dire que c’était les dernières années chez Dreyfus et si d’un côté, j’ai toujours eu des retours positifs de Jarre et de ses proches collaborateurs, les contacts que j’ai eu côté Dreyfus étaient plutôt décourageants. Je garde de très bons souvenirs des quelques contacts que nous avons eu avec Jean Michel, Fiona, Christian Bourret, Francis Rimbert, Michel Geiss, Patrick Rondat et Thomas Alsina.
10- Quelle attitude as-tu par rapport au travail de Jean Michel aujourd’hui ? Je continue à surveiller ses activités, mais avec plus de détachement ! Je reconnais être un peu moins emballé par ce qu’il a produit dans les années 2000. Il a fait beaucoup de concerts, ce qui est très bien mais je trouve malheureusement que c’était au détriment de la musique, je veux dire d’une musique qui soit à la fois nouvelle et fidèle à son identité. Ceci dit, je continue à vénérer l’artiste et à penser qu’il n’a pas dit son dernier mot. La tournée 2010 me semble prendre une orientation très encourageante mais j’espère surtout qu’elle laissera la place à un nouvel album !
11- Quels autres artistes apprécies-tu ? J’ai des goûts assez larges, tendus entre deux pôles que sont la musique classique et la musique électronique. J’ai une fascination profonde pour Beethoven et je jubile en écoutant The Prodigy. Paradoxalement, ces deux artistes sont réputés par la violence qu’ils expriment et c’est surtout pour leur finesse que je les apprécie ! Je pourrais aussi citer Mozart, Björk, Dvorak, Orbital, Verdi, Gainsbourg, Muse, Justice, Vivaldi, Queen, Rachmaninov, Miles Davis, Bach, Depeche Mode, Mike Oldfield, Astor Piazzolla, Vitalic, Patrick Rondat, entre beaucoup d’autres… |
12- Dernière question… As-tu un message à faire passer à tous les lecteurs d’En attendant Jarre ?
Qu’ils continuent à consulter ce site, car il est très intéressant. Et qu’ils n’aient pas honte d’apprécier Jean Michel Jarre car il le mérite amplement !
Webmaster : Un grand merci à Frédéric Esnault de m’avoir accordé un peu de son précieux temps !
21 février 2010 à 17:33
ah, le site oxygene…..
lorsque j’étais à la fac, je passais beaucoup de temps sur internet au campus, c’était à la fin des années 90 et c’était le seul moyen d’avoir des infos sur jarre, tandis que les médias faisaient (déjà) abstraction de l’artiste dans le paysage culturel français.
c’est entre autres sur ce site que j’avais des infos en français, sinon, il fallait se tourner sur conductor of masses ou revolution on the web.
heureusement, d’autres ont pris la relève, comme le très complet en attendant jarre…..
…sans flatterie aucune, mais avec sincérité!
zoolook59
22 février 2010 à 10:26
Bravo à Frédéric Esnault pour tout ce qu’il a fait.
Ce qu’il dit sur les fans de Jarre et leurs rapports avec sites rejoint les constatations que j’avais pu y faire. C’est ce qui a tué les quelques excellents sites (dont Oxygène et Jarre.net) qui existaient à l’époque. J’ajouterais une catégorie de « fans » aux trois auxquelles Frédéric fait allusion : les idolâtres qui ne supportent pas qu’on émettent la moindre critique sur Jarre. C’est, personnellement, ce qui m’a fait fuir un site comme Aerozone, où l’idolâtrie est poussée dans ses ultimes retranchements.
Je pense que l’avenir est aux sites plus « ouverts » (comme En Attendant Jarre) qui ne se limitent pas au seul JMJ et qui permettent de le critiquer sans que ça déclenche une fatwa envers les auteurs de ces critiques. Reste qu’ »Oxygène » fut un très bon précurseur, dont « En Attendant Jarre » est un fier descendant (non, je ne fais pas de lèche-botte).
22 février 2010 à 15:41
Je suis tout à fait d’accord avec Franck! il est bien de regarder autour de Jarre et la critique, un tant soit peu constructrice, n’a jamais fait de mal à personne!
Vivement le 26 mars à Strasbourg!
23 février 2010 à 9:41
Merci Juju (et vivement le 25 mars à Bercy !)