Jarre interviewé pour le Tracks (Arte) en décembre 2012
Arte: Un laboratoire sonore, un savant fou… Mais qu’est-ce qui est arrivé à Jean Michel Jarre? L’abus d’Oxygène, sans doute.
Là où passe les mégas shows de Jean Michel Jarre, l’herbe ne repousse plus. Son premier concert en plein air en juillet 1979, Place de la Concorde attire plus d’un million de personnes. Ça vous forge un égo.
JMJ: « Je me souviens même que le soir après le concert, il y a un gars barbu, qui arrive, il avait une tête un peu à la Fidel Castro, il se penche vers moi et me dit: « J’ai jamais vu ça de ma vie » et je dis: « Merci bien, c’est gentil » et on me dit: « Tu sais qui c’était? C’était Mick Jagger. »"
Arte: Oxygène 4 sort en 1976 et fait une carrière stratosphérique contre vents et marées.
JMJ: « La preuve, c’est que ce disque a été refusé pratiquement par toutes les maisons de disques. Les premiers albums d’Oxygène, d’ailleurs, il y en a beaucoup qui ont été renvoyés, parce que ça commençait par une sorte de brit de vent et les gens pensaient que que c’était un défaut sur le disque, et donc, il y a eu pas mal de retours avec des gens qui disaient qu’il y avait un défaut sur le vinyle. »
Arte: Mais passées les premières hésitations, le tube se répand à la vitesse d’un laser. Aujourd’hui, l’atmosphère est toujours au beau fixe. Oxygène s’est écoulé à 15 millions d’exemplaires, ce qui en fait l’album électronique le mieux vendu au monde. Parcours inattendu pour celui qui a fait ses premiers pas chez Pierre Schaeffer, le père de la musique concrète et électro-acoustique.
Jean Michel André Jarre nait en 1948 à Lyon. Sa mère est une ancienne résistante, et son père est le célèbre compositeur de musiques de films, Maurice Jarre. Il a cinq ans lorsque son père demande le divorce et s’envole pour le soleil d’Hollywoood.
JMJ: « Je ne l’ai pratiquement jamais revu. Et donc, mon rapport à la musique, pas la sienne, mais en général, n’est pas nécessairement lié à des moments de joie, parce que c’est mieux d’être en conflit ouvert avec son père plutôt que rien, qu’un trou. »
Arte: Le week-end, maman dépose le petit Jean Michel dans un club de jazz à Paris, tenu par une amie de la famille. Chet Baker en personne lui jouera un petit récital pour son anniversaire.
(Photo de la pochette d’Equinoxe) Malgré la tenue disco, c’est bien le jazz et le rythm’n'blues qui ont marqué sa jeunesse.
JMJ: « Le morceau qui m’a vraiment impressionné et influencé – et l’artiste – c’est la première fois que j’ai entendu Ray Charles. Et c’était Georgia on my mind » (Extrait vidéo)
« Cette espèce de recontre entre le côté joyeux, happy qui masque une sorte de tristesse ou de mélancolie. »
Arte: En inventant l’électro-ésotérique, Jean Michel Jarre devient plus célèbre que son père. Trois millions et demi de personnes se pressent à un de ses concerts en 1997. Mais il sait aussi se contenter d’un simple stade couvert.
(Jean Michel présente ses instruments)
JMJ: « Ça, c’est un des premiers synthés que j’ai eu, qui était à l’époque dans une valise qui faisait un peu « James Bond contre Doctor No » et qui bien entendu, n’a pas de mémoire. C’est pour ça que j’ai plusieurs synthés, qui sont programmés pour une catégorie de sons.
Ici, j’ai un nouvel instrument qui est lié à la harpe laser dont je me sers, cette grande-là, et qui ets une mini-harpe. j’ame beaucoup les harpes comme instrument. C’est un instrument qui est très visuel, c’était en même temps l’instrument des dieux et des anges, et en même temps il y a un côté très sexuel dans les aharpes, parce que les gens qui en jouent ont toujours leur instrument entre les jambes, et j’ame beaucoup le (son…) »
Arte: Jean Michel Jarre a projeté le concept de l’homme-orchestre dans une autre dimension. Voyons voir ce qui l’inspire dans notre choix de vinyles. Il y a des méchants garnements et la concurrence rôde…
JMJ: « Chariots of Fire, c’est aussi une musique qui compte doublement pour moi, parce que d’abord, c’est de mon collègue Vangelis Papathanassiou. (il met le vinyle) Voilà, ça y est. mais c’est vrai que ça fait partie des grands classiques qui dépassent l’électronique. C’est électronique et acoustique puisque le thème est joué au piano.
Il y a « lots of good stuff there ».
AC-DC, c’est une chose dont on n’a pas trop parlé, mais je suis un gros fan de hard-rock, et pour moi, le hard-rock m’a toujours beaucoup influencé. Je pense que si Vivaldi était né dans les années 50 ou 60, il ferait partie de Metallica. En plus, AC-DC est un groupe que j’aime énormément sur scène. Alors, il faut le jouer beaucoup plus fort que ça, mais là on est limités par la technique. »
Arte: Ce qui ne lui arrive que très rarement. Nuit après nuit, le prophète n’a pas fini de propager ses fréquences.
11 décembre 2012
Interview / Jarre, Interviews