1) Je souhaiterai que tu te présentes un peu : ton âge, tes études?
Je m’appelle Mariam Huntzbüchler, j’ai 23 ans et j’étudie à la fois en tant que musicienne et en tant que musicologue. J’ai commencé la musique à l’âge de 5 ans (Piano) et j’ai intégré le conservatoire à l’âge de 15 ans. Là, j’ai suivis différentes formations issues de ce qu’on appelle un peu vulgairement la «tradition occidentale classique» (ou «savante») : j’ai étudié dans les classes de piano, de hautbois, de formation musicale, d’écriture (harmonie et contrepoint), de direction de chœur et de musiques d’ensembles (musique de chambre et orchestre). Parallèlement, j’ai obtenu un baccalauréat en section littéraire avec la «spécialité Arts» (musique), puis, j’ai passé une partie de ma licence de musique et musicologie à l’Université de Provence (à Aix-en-Provence) et j’ai validé mon diplôme à l’Université Paris-Sorbonne dite «Paris IV» (par l’intermédiaire du CNED). Et enfin, tout dernièrement, j’ai intégré l’Université d’Aix-Marseille et j’ai obtenu mon master de musique et musicologie en parcours Recherche. Actuellement, je continue ma formation au conservatoire et je me prépare à passer l’agrégation de musique dans l’année à venir.
2) Qu’écoutes-tu comme genres de musiques ?
Depuis petite, j’ai toujours aimé la musique ; mes expériences (ce que j’ai acquis dans mes études) m’ont permis d’acquérir des notions techniques (histoire, grammaire musicale, technique instrumentale…) mais ça n’a pas changé l’émotion qu’engendrait le son musical.
Je suis vraiment issue de la culture «classique» ou «savante» : Quand j’étais enfant, j’ai commencé par écouter du Mozart, puis du Chopin, Schubert, Debussy, Bach, Purcell etc. Avec le temps, j’ai été amenée à m’ouvrir à d’autres styles par curiosité et par nécessité (la variété, les musiques électroniques, les musiques populaires modernes en général)… Aujourd’hui, j’écoute surtout beaucoup de musique «classique» (ça reste mon domaine de prédilection), un peu de musiques électroniques, un peu de variété (de la chanson à texte surtout), un peu de musiques traditionnelles aussi de temps en temps… Mais en général, j’écoute ce que les gens me font découvrir : rien ne me motive plus que la curiosité, le désir de s’ouvrir à autre chose (et de s’ouvrir aux autres par la même occasion) et l’envie d’apprendre, je crois.
3) Quelle est la première fois que tu as entendue la musique de Jean-Michel Jarre?
Pendant très longtemps, j’ai écouté de cette musique de manière passive donc je ne peux pas déterminer avec précision quand a eu lieu ma «première écoute» de la musique de Jarre. Mon frère ainé était un passionné de synthétiseur (il aimait beaucoup les musiques de Jean Michel Jarre et de Vangelis) et de musiques électroniques en général ; je suis presque sûre d’avoir entendue des reprises de cette musique à partir des compilations qu’il possédait (compilations issues de la collection Syntheziser, the greatest). Par l’intermédiaire de ce frère, j’ai découvert Jean-Michel Jarre de manière plus «consciente» lorsque j’étais au collège et au lycée. Au début, j’adorais principalement les «tubes» (les extraits à succès) de l’artiste : «Oxygene IV», «Équinoxe IV», «Zoolookologie», «Chronologie IV»… j’aimais bien les mélodies de ces musiques et je les trouvais facile à comprendre. Avec le temps (les études aidant), j’ai appréhendé cette musique autrement : j’ai appris à considérer les albums (l’ensemble des pistes) comme des œuvres à part entière, je me suis attachée à la distribution sonore, à l’assemblage des sons, aux thématiques des albums… Du coup, mes goûts ont un peu changé.
4) Comment est née l’idée de faire un mémoire sur Zoolook ?
Il y a plusieurs raisons à ce choix.
Tout d’abord, ce mémoire, qui a pour sujet Jean Michel Jarre, est un hommage à mon frère ainé qui a convaincu mes parents de me laisser faire de la recherche musicologique. Ensuite, ce choix a été motivé pour des raisons pratiques : le monde de la musique a été exploré de long en large sous des angles très divers (historiques, sociologiques, scientifiques, techniques, symbolique, herméneutique, sémiologique, culturel etc.). Que pouvais-je apporter de plus à la recherche musicologique, en tant qu’apprenti chercheur ? J’aurais pu travailler sur quelque chose de plus proche de ma culture musicale mais tant de choses ont déjà été dites… D’une part, je ne voyais pas l’intérêt de redire les mêmes choses ou de les déformer. D’autre part, je pensais qu’il était peut-être temps de voir quelque chose d’autre, histoire de ne pas s’enfermer dans un aspect musical ou dans une «culture».
Jean Michel Jarre n’était pas connu du tout de la musicologie : il n’existait aucune étude musicologique sérieuse sur l’artiste et je trouvais ceci un peu injuste. Je pensais qu’en réalisant une étude (voire une série d’études), je pourrai peut-être amener des gens à combattre leurs a prioris sur cette musique : peut-être que ça aurait permis une (ré-)habilitation de la musique de Jarre au sein du monde musicologique ? (Ceci sans aucune prétention !)
Le choix de Zoolook n’a pas été facile. J’ai essayé de sélectionner un album que j’aimais bien mais qui, à mon sens, sortait un peu du lot. J’ai écarté le choix Oxygène parce que j’entendais toujours parler de cet album et jamais des autres, ce qui m’a poussé à penser (à raison) que prochainement, une étude allait être réalisé sur Oxygene (et donc que je n’aurais rien à apporter en démontrant une nouvelle fois que l’album était une innovation musicale). J’ai hésité un moment à réaliser une étude au sujet de Chronologie parce que j’adorais la construction musicale de l’album : la répartition sonore (sorte d’orchestration avec de la lutherie électronique), la thématique de l’album, le travail mélodique et harmonique… Et puis, je me suis penchée sur le cas Zoolook : un album assez hétérogène, un peu différent du modèle Oxygène, un son plutôt atypique par rapport aux albums précédents et aux albums suivants, des couleurs relativement empruntes «musique du monde» et pourtant une allusion à la culture «classique occidentale» («Ethnicolor» m’a beaucoup marqué)… Bref, selon moi, un cas unique dans la carrière de Jarre. De par sa couleur musicale et sa structure, Je me suis dit que ce type d’oeuvre pouvait intéresser les musicologues et permettre une première découverte de la musique de Jarre.
5) Combien d’heures de travail représente le mémoire ?
À ce stade-là, on ne compte plus ses heures ! La recherche est une passion : même quand on ne «travaille» pas, le cerveau continue de «maturer» (de développer) les idées, on a l’impression de vivre avec son travail dans la tête en permanence ! Il n’y a pas de «vraies» vacances.
Un mémoire comme ça, ça représente deux ans de travail presque non-stop : des heures de réflexion (choix du sujet, planification, choix des modalités de recherches), des heures de recherche en matière de documentation (surtout quand elle est introuvable ou rare et chère), des heures de tri de l’information (entres autres croisement des données, vérification des sources), des heures de rédaction, de correction et mise en page (le processus le plus long et le plus pénible), de tri des écrits (ce que l’on garde et ce que l’on jette), de relecture… J’ai pris du plaisir à tout ceci mais ce mémoire est un travail de longue haleine et je serai bien incapable de préciser le temps de travail nécessaire à cette réalisation !
6) Quelles ont été les réactions les plus positives et/ou négatives autour de toi quand ton entourage familial et universitaire a appris que tu travaillais sur Jarre en général et Zoolook en particulier?
Dans mon entourage familial, personne ne s’est opposé. En revanche, mes amis ont été très surpris et une partie des gens que je fréquentais ont exprimé un certain mépris pour ce type de recherches : «Jean Michel Jarre ? Pourquoi lui ? C’est pas intéressant !» On m’a demandé si je ne voulais pas plutôt travaille sur le hautbois irlandais ou sur Vangelis. On m’a même dit : «Jean Michel Jarre ? Tu n’as pas trouvé pire ? On ne t’a pas laissé le choix de ton sujet de recherche ?». Ça m’a fait très mal. Certaines fois, je n’osais plus dire que je travaillais sur Jarre, je disais rédiger un mémoire sur les musiques actuelles : mes auditeurs étaient alors plus indulgents. A vrai dire, peu de gens ont eu suffisamment de recul pour accepter qu’ils n’étaient pas forcément de ce milieu-là mais qu’on pouvait être ouvert à tout sans nécessairement aimer.
Sur le plan universitaire, j’ai également eu quelques difficultés. «Jean Michel Jarre ? L’homme aux feux d’artifices ?». On connaissait davantage Jarre comme un showman que comme un compositeur.
Parmi les professeurs qui encadraient nos recherches, j’ai été confronté à des gens qui ne connaissaient Jarre que par Oxygène et Équinoxe (aucun ne connaissaient Zoolook, par exemple). Quand j’ai dit que je voulais travailler sur Jarre, on m’a répondu : « D’accord, tu vas travailler sur les concerts et démontrer que la réussite de la musique de Jarre repose sur la ‘spectacularisation’.» Je n’étais pas du tout d’accord, je voulais étudier la musique de Jarre en tant que produit sonore, et non pas uniquement en tant que phénomène socio-musicologique. De là, j’ai tenté d’imposer une problématique autour des termes «savant et populaire» mais on m’a reproché d’aborder une thématique qui avait déjà été discutée et qui n’était plus au goût du jour.
Proposer un travail au sujet de Jarre représentait aussi un danger : certains professeurs craignaient que l’étude ne se transforme en écrit journalistique enflammé. J’ai mis cinq mois pour convaincre mes professeurs que j’étais apte à pouvoir travailler, non pas en tant que fan, mais en tant que chercheur. Au bout de ces cinq mois, j’étais presque résignée à laisser tomber parce que personne ne me prenait au sérieux, j’avais même commencé à chercher de nouveaux angles de recherche tels que l’évolution de la lutherie et l’œuvre de Jarre ou Jarre et la scène musicale. Finalement, après avoir assisté à une de nos premières présentations de master, mon directeur de mémoire a décidé de me faire confiance et m’a laissé choisir le sujet de mon choix. À partir de cet instant, il y a toujours eu des moqueries mais personne ne s’est plus opposé fermement à ce type de recherches.
Mais ce serait mentir de dire que tous les professeurs ont dédaignés ce travail : certains ont été surpris, d’autres ont proposé de m’aider dans mes recherches en me fournissant des explications, en me donnant des idées… Je retiendrai le nom de Guillaume Kosmicki (chercheur/pédagogue indépendant, spécialiste de la techno et des musiques électroniques) qui m’a non seulement guidé, mais qui m’a aussi donné du matériel de recherche et qui a accepté de discuter son point de vue avec moi (et ce n’est pas une mince affaire). Bref, j’ai eu aussi beaucoup de chance.
7) Tu as interrogé de nombreuses personnes via internet sur le public de Jarre, qui est très hétéroclite. Est-ce que pour toi hétéroclite et populaire sont des synonymes ?
À mon sens, la réponse est un peu plus complexe que ça. Au delà du terme «populaire», le terme «musique» est déjà synonyme d’hétéroclite (du moins, si on se réfère à notre époque).
Au cours de l’histoire, les esthétiques et les genres musicaux se sont dotées de certaines caractéristiques (musicales, thématiques, structurelles, instrumentales…) afin de correspondre à des critères de diffusion et de réception (critères correspondant aux différents publics visés). Pour faire simple : la musique était adaptée afin d’être comprise par le public à qui elle s’adressait parce qu’elle empruntait des codes qu’une partie des castes sociales maîtrisait. Jusqu’au XIXe siècle, les compositeurs «savants» occidentaux avaient une condition de serviteur auprès des mécènes (issus de l’aristocratie ou de la noblesse) qui leur délivraient des charges. Ainsi, ils écrivaient pour ceux qui leur commandaient des pièces (la musique et la danse étaient le privilège des castes sociales «éduquées»). Ainsi, un compositeur adaptait son écriture selon des règles plus ou moins pré-établies en fonction des circonstances de création, des recommandations du commanditaires, des «exigences» de son époque, des castes sociales concernées etc. À partir du XIXe siècle, ce système va s’essouffler et le compositeur va peu à peu s’émanciper, perdant son statut de «serviteur rattaché à…». Dès lors, le «Moi» et le «Nous» va prendre plus d’ampleur, le compositeur va s’affranchir un petit peu des exigences extérieures (ce qui ne l’empêchera pas de chercher à vivre de sa musique et donc à plaire à un public). Au XXe siècle, les conditions de réception et de diffusion se sont modifiées en raison de l’évolution technique et technologique, les moyens et les sources de créations se sont diversifiées à une vitesse importante, les cultures se sont métissées… À partir de la deuxième moitié du siècle dernier, les moyens d’accès à la musique se sont multipliés, ce qui a permis à un public très diversifié d’être touché par une importante variété de styles musicaux. Voilà l’explication de l’«hétéroclisme» des esthétiques musicale et des publics «soumis» à l’écoute de nos jours.
En ce qui concerne le terme «populaire», je peine à répondre parce que personne n’a la même définition de ce mot. Je vais me permettre de fonder ma réponse en fonction de ma propre définition du terme pour qu’il n’y ait pas de quiproquo : est populaire ce qui n’a pas encore (ou peu) fait l’objet d’un recensement «académique» et est «savant» ce qui entretient un lien avec les institutions musicales (étude, codification, diffusion, enseignement…).Dans le cadre de cette définition, on peut aisément deviner que le terme «populaire» rassemble une importante multitude d’esthétiques, de stylistiques, de cultures, de publics qui n’ont pas toujours de points communs. C’est un peu comme un saladier contenant un assemblage de fruits : on distingue bien la pomme, la banane, le kiwi, la cerise mais on a mélangé tout ça et on a donné un nom à cet ensemble («salade de fruit»).
Après, prétendre que populaire est synonyme d’hétéroclite ne veut pas dire que savant est synonyme de «conforme» ou «d’unitaire» ! Le «genre» (si on peut encore parler d’un genre) savant renvoie également au phénomène de diversité parce qu’il rassemble lui aussi des esthétiques différentes et des publics de culture et de conditions sociales différentes pour des raisons similaires.
La musique renvoie au terme hétéroclite de par notre contexte géo-socio-historico-culturel et la distinction entre savant, populaire ou d’entre-deux n’y change rien. Je ne crois pas que le terme hétéroclite soit une particularité du genre populaire (et de son public) mais il est indéniable qu’il en soit une caractéristique. Ceci étant, notons tout de même que le procédé de métissage des cultures est indéniablement lié à cette diversité foisonnante.
8) Un des chapitres de ton mémoire s’interroge sur la pertinence de la « tribu Jarre », est-ce que selon toi Zoolook a pu jouer un rôle décisif dans la fragmentation de cette tribu ? En d’autres termes, as-tu rencontré de fans de Zoolook (et Musique pour Supermarché) qui rejettent le reste de son œuvre et inversement ?
À la fois oui et non. Je ne conçois pas le public de Jarre comme un ensemble uniquement composé de fidèles qui auraient suivit son idole pour le meilleur et pour le pire de ses débuts jusqu’à la fin. Tout d’abord, les auditeurs de Jean Michel Jarre n’entretiennent pas tous la même relation avec l’œuvre de l’artiste : il y a les fans qui aiment l’œuvre de Jarre de A à Z (toujours avec des préférences), les fans qui préfèrent le côté plutôt romantique de Jean Michel Jarre de par son goût pour le «poème électronique» (c’est comme ça que je définis les album issus de la lignée Oxygène), d’autres se passionnent pour les recherches de l’artiste en matière de son, d’influences… et autres. La fragmentation de cette tribu tient, selon moi, plus d’un positionnement vis-à-vis de l’artiste et de son œuvre qu’autre chose. Et bien sûr, il y a la virulence de certains fans, il y a l’absence de communication pour d’autres…
En ce qui concerne la fragmentation d’un public, Jarre disait lui-même dans une interview pour la Redbull Music Academy Radio qu’une partie du public qui l’a apprécié quand il n’était pas connu l’a «renié» quand Oxygène a commencé à avoir du succès. Ce que j’essaye de dire, c’est qu’il n’a pas fallu attendre l’arrivée de Zoolook pour que le public se fragmente, ça a commencé dès les débuts de Jarre. Et ça a continué avec Chants Magnétiques : alors qu’Équinoxe était presque le jumeau sonore d’Oxygene, Chants Magnétiques a commencé à se détacher un peu sur les plans sonores (avec l’arrivée progressive du son numérique) et structurels. N’est-ce pas le propre de tout nouvel album d’un artiste de surprendre (et parfois de décevoir) une partie de son auditoire ?
En ce qui concerne Zoolook, il est indéniable que l’album a déstabilisé les fans à sa sortie : il est probable que la construction de l’oeuvre et que ce son si particulier et si unique dans la carrière de Jarre y soit pour quelque chose. Peut-être aussi qu’il y a eu une querelle esthétique entre les adeptes pro-romantiques, (Oxygène et Équinoxe ont, à mon avis, hérité de la pensée romantique) les pro-expérimentaux et peut-être aussi les adeptes de la «variété électronique» (je ne sais jamais comment il faut les appeler) ? À ce stade-là, je ne peux que supposer. De là à dire que c’est un album qui a est responsable de la fragmentation d’une «tribu Jarre», je n’y crois pas du tout : Zoolook est, selon moi, une parenthèse dans l’œuvre de Jarre. Après Zoolook, Jarre est un peu revenu au modèle qu’il proposait dans Chant Magnétiques (même si on perd sur certains points ce côté «poème électronique»). De plus, il y a eu des succès après Zoolook, donc les auditeurs n’ont pas reniés Jarre à cause de Zoolook. À mon sens, des albums comme Métamorphoses, Session 2000 ou Téo & Téa ont bien plus divisé le public de Jarre que ne l’a fait Zoolook.
Je termine sur la question «Y a-t-il un public à part pour Zoolook ?». Je n’en connais pas la réponse. J’ai rencontré une personne qui n’aimait pas l’œuvre de Jarre (en particulier Oxygène et Équinoxe) et qui s’est avéré intéressée par Zoolook parce que l’œuvre présentait une certaine richesse conceptuelle et sonore mais je m’abstiendrai absolument de faire de ce cas une généralité. En revanche, j’ai rencontré bien plus de gens qui n’aimaient pas Zoolook alors qu’ils aimaient bien des albums comme Oxygène et autres. Là encore, tout n’est qu’une question d’attente : quand on projette une attente sur un artiste, on risque fort d’être déçu(e) un jour ou l’autre parce que les choses restent rarement immuables (et je dirai même heureusement !).
Ceci étant, je rappelle que la plupart du temps, Zoolook (qui jouit d’une réputation à part entière chez les fans) est moins connu du grand public : parmi tous les gens que j’ai rencontré, certains ne connaissaient de Jarre qu’Oxygène, Équinoxe, Chronologie… mais pas du tout Zoolook, donc s’ils l’ont écouté en passant ou s’ils ne se sont pas attardés dessus, il est aussi possible qu’ils n’aient juste pas compris l’enjeu de cette musique.
9) Que penses-tu du projet Zoolook Experience en tant qu’angle de recherche ?
Je pense que c’est une façon de fêter les 30 ans de Zoolook (peut-être aussi une manière de relancer les ventes de l’album ? Je ne sais pas). C’est une expérience qui sera certainement intéressante mais je ne peux rien ajouter à ce sujet. Nous verrons le résultat.
10) Est-ce qu’un concert centré autour de l’intégrale de Zoolook (un peu comme Oxygene live in your living room) aurait sa place dans une grande institution de la musique comme la Cité de la musique par exemple ?
En soit, le fait de diffuser de la musique populaire dans une institution est un faux problème : actuellement, le GMEM (Groupe de Musique Expérimentale de Marseille) travaille avec des artistes populaires modernes afin de proposer de nouvelles créations au public. Pourquoi un lieu comme la Cité de la musique ne le pourrait-elle pas ? C’est tout à fait envisageable.
Cependant, ce projet pourrait soulever une autre difficulté. L’album Zoolook est composé de sept pistes réparties selon trois catégories :
- la musique inspirée de la musique «savante» («Ethnicolor» et «Diva»),
- la musique de divertissement remarquable par des thèmes aisément mémorables et des structures relativement simples héritées de la variété («Zoolook», «Zoolookologie» et «Blah Blah Cafe»).
- la musique d’ambiance (ou style Ambient), proposant une ambiance musicale au caractère relativement uniforme quoique que la pièce soit constituée d’une successions de nappes qui font se mouvoir la «masse sonore» («Wooloomooloo», «Ethnicolor II» et un petit peu «Diva» aussi).
Zoolook est une sorte d’album relativement hétérogène, composé de pistes aux enjeux différents. Ce paramètre peut poser problème à l’artiste qui va décider d’exposer l’œuvre intégralement. En soit, l’album est loin d’être inintéressant, il présente une recherche sonore certaine (couleur sonore, spatialisation, effet de texture…) mais toutes les pistes de l’album ne sont pas à égalité, ce qui va impliquer un traitement des pistes différent suivant les caractéristiques musicales de l’extrait diffusé. On pourrait supposer que l’artiste fasse de nouvelles versions des pistes «tubes» (Zoolook, Zoolookologie et Blah Blah Cafe) de façon à faire entendre des sons inédits, à aménager l’espace sonore ou autre… Un peu à la manière de ce qu’on entend dans l’album Aero. Bien sûr, en ce qui concerne les pistes musicales plus statiques («Wooloomooloo» ou «Blah Blah Cafe»), on peut se demander comment guider l’écoute de l’auditeur (diffuser cette musique de façon classique, comme en concert, proposer un parcours pendant la diffusion de cette musique, habiller le rendu musical graphiquement avec des visuels…)
Un projet comme celui-ci a tout a fait sa place à la Cité de la musique et aurait toute les chance d’aboutir. Après, d’un point de vue politique, je sais que ce n’est pas si simple : la manière dont on considère parfois Jarre pourrait entraver ce type de projet mais c’est un autre débat.
11) Est-ce qu’écrire sur la musique électronique pourrait continuer de t’intéresser au-delà du cadre universitaire ?
Honnêtement, je ne sais pas ce que je vais faire maintenant. J’aimerais explorer d’autres univers musicaux afin de ne pas restreindre mes connaissances à un seul domaine mais je n’exclue pas l’idée de m’impliquer dans un autre projet concernant les musiques électroniques. Quoiqu’il en soit, avant d’envisager d’écrire à ce sujet, je souhaiterais beaucoup enrichir mes connaissances en travaillant auprès de créateurs, pouvoir pratiquer moi-même ce genre de musique et parfaire ma culture dans ce domaine. Ceci dit, si l’occasion se présentait, pourquoi pas ? Avec plaisir même !
25 janvier 2015 à 23:23
Ca me fait plaisir de voir que quelqu’un a finalement « osé » entreprendre d’écrire tout un mémoire de musico sur JMJ.
Le mien (qui date de 2003)avait toute une partie qui lui était consacré, mais ce n’était pas le sujet principal.
Encore bravo